L’Afsca a rendu son acte de défense
Est-ce un rapport ou un acte de défense? L’Afsca a fourni ses explications dans l’affaire Véviba: elle a fait son job, la Justice, par contre…
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- Publié le 19-03-2018 à 19h07
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Le rapport de l’Afsca (Agence fédérale pour la sécurité alimentaire) sur l’abattoir Véviba est tombé, expurgé des passages pouvant compromettre l’instruction de l’affaire.
Ce travail avait été demandé par le ministre fédéral de l’agriculture, Denis Ducarme. Ce dernier posait moult questions sur ce qu’avait fait l’agence entre le moment où une fraude avait été décelée au Kosovo, en septembre 2016 et l’éclatement de l’affaire début mars 2018.
1.Rappel Fin septembre 2016, un camion frigorifique était intercepté au Kosovo. Il transportait de la viande congelée en provenance de l'abattoir Véviba, de Bastogne. On repérait que des lots avaient été ré-étiquetés. Histoire de les rajeunir. Un inspecteur de l'Afsca était envoyé sur place pour constater les faits. L'information était transmise au parquet, en octobre 2016, et un dossier était ouvert par un juge d'instruction. Ce dernier ordonnait des perquisitions le 28 février et le 1er mars 2018. Là, des infractions étaient constatées dans l'atelier de découpe (viande impropre incorporée à des préparations) et les frigos. Le scandale éclatait. L'agrément était retiré à l'atelier de découpe et les scellés étaient placés sur les frigos.
2. Qui ment? Dans son rapport, l'Afsca insiste lourdement sur le fait «qu'elle a veillé à ce que ses actions n'interfèrent pas avec l'instruction.» Un peu plus loin, «Un PV a été dressé et transmis au parquet, et l'Afsca a ensuite essayé de contribuer au mieux à l'instruction. Dans ce cas-ci, elle est intervenue plusieurs fois auprès des gestionnaires du dossier afin d'accélérer l'instruction.» Interpellant quand on sait que la semaine dernière, le parquet général, via le ministre Geens signalait: «Bien que l'Agence fût au courant depuis le début de la mise à l'instruction de l'affaire, elle ne s'est jamais manifestée auprès du magistrat instructeur pour faire valoir la nécessité d'une intervention urgente.»
3. Dissocier pour se protéger Pour couper court à ces reproches, dans son rapport, l'Afsca avance l'argument suivant: «S'il y avait eu pendant l'instruction la moindre indication de l'existence effective d'un risque pour la sécurité de la chaîne alimentaire, des mesures auraient été prises immédiatement.» On n'est donc pas intervenu parce qu'il n'y avait pas de risque sanitaire.
Un peu plus loin dans le rapport, on voit que l'Afsca veut dissocier deux volets du dossier: l'étiquetage, «pas dangereux», et l'atelier de découpe, «dangereux». «Quand l'enquête judiciaire a mis en lumière certaines pratiques qui n'avaient rien à voir avec les constats initiaux réalisés au Kosovo, un PV a été dressé à l'attention du juge d'instruction.»
En voulant dissocier ces deux volets, l’Afsca veut ainsi se protéger. Comment pourrait-elle expliquer qu’elle n’a rien fait pendant un an et demi alors qu’un inspecteur a bien constaté un «dysfonctionnement» en octobre 2016?
4. Pas avarié L'Agence insiste sur ce point en expliquant, qu'au début, seule une fraude sur les dates a été constatée. «À aucun moment dans le rapport de cette enquête n'a été cité le mot "avarié".» En résumé, pas de danger sanitaire, pas d'investigation plus approfondie. Question: n'est-il pas interpellant de constater que lorsqu'une société qui représente plus de 30% du marché de l'abattage bovin en Belgique est plus que soupçonnée de trafiquer l'étiquetage de lots de viande destinés à l'exportation, l'Agence destinée à contrôler la filière ne lève pas le petit doigt parce qu'il n'y a pas de danger sanitaire?