Une ancienne nonne réfugiée en Belgique raconte la «torture» des prisons chinoises
Nonne au Tibet, Gyaltsen Drolkar a passé douze ans dans une prison chinoise où elle raconte avoir été torturée sans merci. Après sa libération, elle a fui au Népal, à pied, avant de se réfugier en Belgique où elle vit aujourd’hui.
Publié le 14-03-2015 à 21h44
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Cette ancienne religieuse était venue samedi à Paris pour défiler avec des milliers d’autres manifestants à l’occasion de l’anniversaire du soulèvement manqué de 1959 contre la Chine, qui a forcé le Dalaï Lama à l’exil.
Le régime communiste chinois est accusé de réprimer implacablement la religion, la culture et la langue tibétaines, provoquant une vague sans précédent d’immolations par le feu. Des accusations rejetées par Pékin qui assure avoir apporté prospérité et meilleures conditions de vie dans une région paupérisée.
«Cela fait maintenant un certain temps que j’ai été libérée, et j’ai la chance de vivre en Occident. Mais il me reste des séquelles physiques», a expliqué Gyaltsen Drolkar à l’AFP, les épaules couvertes d’un drapeau tibétain, près de la Tour Eiffel.
Cette femme de 45 ans a été arrêtée en 1990 pour avoir pris part à une protestation pacifique réclamant le respect par les autorités chinoises de la liberté d’expression et de culte dans les régions tibétaines.
A l’époque, elle était religieuse au monastère de Garu, au nord de Lhassa, la capitale du Tibet. Elle a été condamnée à quatre ans de prison pour «actes séparatistes», une accusation de routine du gouvernement chinois contre le Dalaï Lama et ses partisans.
Prisonnières politiques, Gyaltsen Drolkar et les autres nonnes emprisonnées étaient soumises à une étroite surveillance. Mais en 1993, elles réussissent à emprunter un magnétophone à une autre détenue et, dans un acte de défiance, elles enregistrent des chansons dénonçant leurs conditions de détention et rendant hommage au Dalaï Lama.
Elles réussissent à faire sortir clandestinement les cassettes de la prison. Lorsque les autorités chinoises ont découvert l’affaire, elles ont prolongé la peine des religieuses, de huit ans dans le cas de Gyaltsen Drolkar.
«Je perdais conscience»
«Nous étions soumises à toutes sortes de tortures, morales et physiques», a-t-elle raconté samedi à l’AFP par l’entremise d’un traducteur. «Par exemple, ils m’attachaient, ils me suspendaient, me couvraient le visage et me battaient.» «Ils utilisaient des instruments électriques. Je perdais conscience, et quand je reprenais conscience, ils recommençaient.»
Il est même arrivé que les geôliers lâchent des chiens sur d’autres nonnes détenues, se souvient-elle.
Les allégations de torture dans les prisons chinoises sont courantes --parmi les détenus tibétains, les autres minorités et les défenseurs des droits de l’Homme-- mais le gouvernement chinois dément catégoriquement et affirme que la torture est interdite.
Libérée en 2002, la nonne a quitté le Tibet en 2004, fatiguée de se battre comme «citoyenne de troisième classe», en tant que Tibétaine et comme ancienne prisonnière politique.
Aujourd’hui, elle n’est plus religieuse et vit à Anvers.
Elle était à Paris, aux côtés de plus de 3.000 personnes venues de plusieurs pays d’Europe, pour participer à une manifestation en présence Lobsang Sangay, le chef du gouvernement tibétain en exil, qui conduit la lutte politique depuis que le Dala¨Lama a renoncé à tout rôle politique en 2011.
Les manifestants brandissaient des drapeaux tibétains et des banderoles proclamant «Arrêtez le génocide culturel» ou «Le Tibet sera libre».
Tant le Dalaï Lama que M. Sangay plaident pour une plus grande autonomie de la région tibétaine au sein de la Chine, mais sont accusés par Pékin d’être des séparatistes militant pour une indépendance pure et simple.