Procès des attentats: les accusés ont eu droit à un dernier mot, voici ce qu'ils ont dit
Le jury s’est retiré pour fixer les peines des 8 coupables des attentats. Juste avant, ceux-ci ont pris une dernière fois la parole ce lundi 11 septembre 2023.
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- Publié le 11-09-2023 à 13h25
- Mis à jour le 11-09-2023 à 14h26
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"Le plus dur, ce n’est pas de vous dire qu’on regrette. Le plus dur, c’est de se le dire à soi-même." Bilal El Makhoukhi n’est pas l’accusé dont on a le plus parlé tout au long du procès des attentats de Bruxelles. Mais son témoignage illustre la complexité d’avoir été djihadiste, d’être ensuite confronté aux victimes et de se dire que le projet ne méritait pas une telle barbarie.
Ce lundi, peu avant midi, les accusés ont eu droit à un dernier mot avant que le jury ne se retire pour fixer la peine qu’ils vont devoir purger.
Avec ces quelques mots, El Makhoukhi illustre le désenchantement terrible auquel doivent faire face plusieurs accusés. Engagés dans un radicalisme, ils ont été ensuite confrontés à la réalité de leurs actes. Et se dire que tout ce qu’ils ont entrepris n’en valait pas la peine, c’est bien plus lourd que n’importe quelle peine de prison. "Je n’arrive pas à me trouver des excuses, continue encore El Makhoukhi. Ici, j’ai vu ce que j’avais toujours refusé de voir: l’impact sur les victimes et leurs familles."
Abrini: "Personne ne se réjouit de ce qui s'est passé"
Chacun des coupables, puisqu’ils ont été reconnus coupables à des degrés divers le 25 juillet, a eu le droit de faire une dernière déclaration avant que le jury ne se retire pour fixer les peines.
Mohammed Abrini s’est montré très emprunté, hésitant et peu convaincant. « Personne dans le box ne se réjouit de ce qui s’est passé. Ces gens-là, dit-il en faisant allusion aux victimes, sont innocents et ont demandé à vivre leur vie. Ils ont été injustement frappés par des décisions politiques. » Abrini revient avec la même justification qui consiste faire porter une part de responsabilités aux forces alliées qui s’étaient engagées à lutter militairement contre l’État islamique. Les attentats n’étant ainsi qu’une réponse à l’agression militaire.
Mais Abrini a aussi présenté ses excuses : « je suis désolé, je m’excuse et je demande pardon. Les victimes de Paris et de Bruxelles ont été abandonnées et ça ajoute du malheur au malheur. »
Abdeslam: "La prison, c’est le cimetière des vivants"
Salah Abdeslam a aussi pris la parole pendant plusieurs minutes. Son discours était plus structuré mais aussi empreint d’amertume. « Vos témoignages m’ont poursuivi jusque dans ma cellule. Je me suis remis en question. Je ne suis pas fier de voir des femmes défigurées, blessées dans leur chair. » Le Molenbeekois est aussi revenu sur son parcours de vie, celui de « quelqu’un de banal », vivant au sein « d’une famille aimante. »
Mais il a aussi tenté de convaincre, une dernière fois, qu’il était étranger à la préparation des attentats de Bruxelles. « Je n’ai rien à gagner à vous dire ça. Je ne connaissais pas le projet, j’étais en prison...» Il insiste pour que le jury fasse la part des choses entre son rôle dans le dossier et le personnage médiatique qu’il incarne.Il s’est excusé de ne pas toujours « avoir trouvé les mots pour s’exprimer correctement. Cela a pu être mal perçu...»
Mais il enjoint aussi le jury à rendre justice convenablement. « Les faits sont graves : 35 morts. Le réquisitoire du parquet était à la hauteur des faits mais pas à la hauteur des hommes qui sont dans le box. » Et il rappelle au jury les responsabilités qui leur incombe : « Vous allez être confrontés à votre conscience. C’est compliqué de vivre avec l’idée d’avoir condamné quelqu’un qui ne le méritait pas. La prison, c’est le cimetière des vivants...»
Osama Krayem et Sofien Ayari n’ont rien ajouté. Le Suédois n’a d’ailleurs jamais ouvert la bouche au cours de procès. Tandis qu’Ayari n’a pas souhaité « ajouter quelque chose » puisqu’il s’était déjà longuement exprimé en juillet, avant que le jury ne se retire pour délibérer sur la culpabilité des accusés.
Bayingana: "Œuvrer pour quelque chose de meilleur"
Quant à Hervé Bayingana, on l’avait déjà entendu plus prolixe et convaincant. Peu importe la peine dont il écopera (maximum 10 ans dans son cas), il devrait sortir de prison assez rapidement puisqu’il a déjà purgé plus de 7 ans en détention provisoire. Il a clairement un avenir en dehors des murs de la prison. « Je pensais que tout ça serait derrière moi. Mais c’est quelque chose dont on ne peut se séparer. Je vais essayer, à mon niveau, d’œuvrer pour quelque chose de meilleur. »
El Haddad Asufi: "Un coup de massue"
Reste Ali El Haddad Asufi dont son avocat, Jonathan De Taye, avait, en début de matinée, brillamment livré la dernière plaidoirie de ce procès. Coupable des assassinats, c’est la perpétuité qui a été requise à son égard. «Je ne suis pas un assassin, pas un terroriste et je ne le serai jamais. » Il a expliqué que sa culpabilité avait été « un coup de massue pour moi et ma famille. »
Poliment, il dit accepter la décision du jury mais il demande qu’on le condamne « à une peine qui me correspond. » Que savait-il du projet? Le jury estime qu’il aurait dû comprendre la nature des activités de son ami d’école, Ibrahim El Bakraoui (terroriste de l’aéroport). « J’ai honte d’avoir été son ami. Il a détruit ma vie et moi, je n’ai pas posé les bonnes questions. Comment ai-je pu être aussi aveugle? J’aurais dû comprendre et savoir. Et maintenant, je dois vivre avec ça...»
Le jury s’est ensuite retiré, à huis clos, pour délibérer. Il reviendra dans quelques jours et la Cour prononcera les peines pour chacun des huit coupables des attentats de Bruxelles.