Transparence : Face à la Commission européenne, le discours musclé d’un haut fonctionnaire prépensionné
Frankie Schram a représenté le fédéral auprès de la Commission européenne, qui l’a interrogé sur la nouvelle loi de transparence administrative. En la matière, il estime que la Belgique n’a aucun compte à rendre à l’UE.
- Publié le 12-07-2023 à 21h40
- Mis à jour le 12-07-2023 à 21h47
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Ce mercredi, en Commission Intérieure au parlement fédéral, il devait être question du nouveau cadre législatif en matière de transparence administrative. L’actualité est brûlante : alors que le ministre de la Santé Frank Vandenbroucke (Vooruit) est en plein conflit avec le quotidien Het Laatste Nieuws, qui lui réclame des mails concernant sa gestion du covid (sur fond de soupçons de corruption), le gouvernement a, lui, déjà décidé de ne pas donner un pouvoir contraignant à la Commission d’accès aux documents administratifs, (la CADA, qui avait justement contredit le ministre dans un avis… consultatif). Et ce, malgré les recommandations de la Commission européenne dans son rapport sur l’état de droit en 2022.
Interrogations piquantes
De débat à la chambre, il n’a finalement pas été question ce mercredi : l’opposition a requis l’avis de l’autorité de protection des données (APD) sur le projet de loi, avis dont tout le monde n’avait pu prendre connaissance, repoussant ainsi l’échéance.
En attendant, certains parlementaires n’ont pas manqué de glisser quelques interrogations piquantes, en particulier sur les arguments brandis par le fédéral auprès de la Commission européenne lors de la confection du rapport sur l’état de droit 2023 - un rapport qui donne un joli satisfecit en matière de transparence administrative puisqu’il est estimé que "des initiatives sont en cours pour transformer la CADA en un organe ayant le pouvoir d’émettre des décisions contraignantes."
Ce n’est pourtant pas dans les plans du fédéral, dont la nouvelle législation doit entrer en vigueur en avril 2024. D’ailleurs, ce n’est pas non plus le désir de la CADA, et du haut fonctionnaire qui a représenté le gouvernement auprès de la Commission européenne. "Si on rend la CADA décisionnaire, on va rendre un organe indépendant. C’est un problème, car l’administration ne serait plus responsable (NDLR : en termes d’expertise pour délivrer ou non les documents). Je ne sais pas si c’est une bonne chose", avance Frankie Schram, le secrétaire de la CADA, nommé en janvier 2022 sur proposition du Premier ministre. Enfin, ex-secrétaire : le haut fonctionnaire, presque pensionné, a remis sa démission en janvier et ne siège plus depuis mi avril - il sera définitivement pensionné en octobre.
Entre-temps, en février dernier, c’est pourtant lui, Frankie Schram, qui a été chargé par le fédéral d’expliquer à la Commission européenne les avancées belges en matière de transparence administrative. Drôle d’émissaire : le haut fonctionnaire n’aime pas la propension de la Commission à mettre son nez dans les affaires de l’État, surtout sur les matières administratives. "Si la Commission dit quelque chose, par exemple que la Belgique doit avoir un système où la CADA rend des décisions et pas des avis (NDLR : ce qu’elle a fait dans son rapport sur l’état de droit en 2022), elle se mêle de la politique belge et du droit belge où elle n’a pas la compétence. On doit mettre les points sur les i", explique M. Schram, qui ne cache pas son aversion pour ce genre d’interventionnisme. "Je pense que la Commission européenne a fait une grave faute car elle n’est pas compétente pour le droit administratif. Sauf si le droit administratif a des connexions avec des choses commerciales. Comme les marchés publics."
Exceptions
Ce qui n’a pas empêché la Commission européenne de donner un sacré bon point à la Belgique, malgré les réponses évasives données par M. Schram (et révélées par l’Avenir en début de semaine).
Lui qui a rédigé l’avis de la CADA en ce qui concerne le litige entre Het Laatste Nieuws et Frank Vandenbroucke défend le droit de l’État fédéral à faire valoir des exceptions pour ne pas transmettre les documents demandés. "Ce n’est pas parce que la motivation (NDLR : du ministre) n’est pas en ordre que l’exception ne peut pas être invoquée", dit M. Schram, qui ajoute que ce que dit la CADA, c’est "que la motivation du ministre n’est pas suffisante. Mais il a raison de refuser!"