Le rapport sur les violences obstétricales pas voté au Sénat: "C’est du sabotage"
Ce vendredi, en séance plénière du Sénat, devait être voté le rapport sur les violences gynécologiques et obstétricales. Et ce, après deux ans de travail, plus de 30 auditions et un vote à l’unanimité en Commission. Que s’est-il passé ?
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- Publié le 23-06-2023 à 19h10
- Mis à jour le 23-06-2023 à 19h48
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Alors qu’il devait être voté ce vendredi en séance plénière du Sénat, le rapport sur les violences gynécologiques et obstétricales a été renvoyé en Commission. L’Open Vld et le CD&V ont en effet demandé à l’entame de la séance – et à la surprise de nombreux partis – que le texte soit réexaminé. Et ce, après, disent-ils, avoir été alertés par un courrier critique des gynécologues flamands (l’association flamande d’obstétrique et de gynécologie).
Les écologistes, à l’initiative du rapport, et le PS ont exprimé leur indignation et leur "colère" face à ce renvoi. Pour rappel, le texte avait été voté à l’unanimité en Commission le 22 mai.
Des amendements jeudi
Fruit de deux ans d’auditions d’experts, de professionnels, le rapport proposait 92 recommandations afin "que les violences obstétricales soient prises en considération et évitées".
Parmi ces recommandations: identifier ces violences, veiller au consentement libre et éclairé de la patiente, enseigner davantage la physiologie de la grossesse, etc.
"C’est du sabotage, réagit France Masai, sénatrice Écolo. Nous avons travaillé deux ans sur ce rapport, sans tabou ni sensationnalisme. Les amendements déposés en dernière minute (jeudi, NDLR) par Mme Ampe (Open Vld, NDLR) proviennent de critiques d’un lobby que nous avions auditionné et dont l’avis a été intégré. Si ce rapport n’est pas parfait, il est primordial qu’il existe !"
Des amendements qui demandent notamment de ne pas qualifier l’épisiotomie de violence. "Ce que l’on voulait dans ce rapport, c’est que chaque geste soit expliqué à la patiente et qu’elle en soit prévenue", rétorque Latifa Gahouchi (PS), qui préside le Comité Égalité homme-femme du Sénat où ont eu lieu les débats.
"On a fait un travail colossal. Il y a eu plus de 25 réunions des rapporteuses pour préparer un rapport qui puisse avoir l’adhésion de tous, dit la sénatrice PS. Et puis, patatra: on reçoit des amendements qui déforcent complètement le texte. C’est revenir sur ce qui a déjà été discuté. Je ne peux pas admettre qu’une association mette une telle pression sur un texte. C’est un lobby moral. Et c’est inacceptable de s’y soumettre."
D’autant qu’ "on sait que ce sujet est sensible, insiste France Masai. Ce sont des recommandations, pas une loi gravée dans le marbre ! L’idée n’est pas de dire aux gynécologues ce qu’ils doivent faire." Latifa Gahouchi ajoute: "C’était une première de poser sur la table la question de ces violences et ce rapport aurait pu changer la donne."
"Par respect"
Les deux sénatrices ont par ailleurs regretté l’absence de réaction du MR, qui a voté pour le report en Commission. "Ils se sont tus dans toutes les langues."
Véronique Durenne, sénatrice MR et rapporteuse, s’explique: "Pour ce rapport, on a su trouver des compromis. Et puis, des amendements sont arrivés. Certains ont regretté leur arrivée tardive mais ça a été fait en toute légalité. Des amendements pas inintéressants, qui apportent parfois de la nuance."
Assurant ne pas avoir été prévenue du revirement de l’Open Vld et du CD&V, Véronique Durenne dit avoir voté pour le report "par respect pour le travail effectué. Si on votait, le texte aurait été rejeté". Il faut en effet un tiers des voix dans chaque groupe linguistique et, sans l’Open Vld et le CD&V, le texte ne passait pas. Certains Écolo et PS ont dû voter pour aussi. "Un vote calculé, à contrecœur, dit France Masai. Pour la survie de ce texte."
Et quand on demande à Véronique Durenne (MR) si la séquence politique actuelle a eu une influence, elle assure que non: "Je l’ai appris à la dernière minute." Pour la sénatrice MR, la prochaine étape est de discuter de ces nouveaux amendements. "C’est une mise au frigo, juge France Masai. On ne va pas refaire des auditions ! Ma crainte, c’est qu’on mette un travail de deux ans à la poubelle."