Hausse des taux d’intérêt des compte épargne : "Belfius doit assumer un rôle d’initiateur"
Professeur émérite à la Solvay Business School, Éric De Keuleneer est un spécialiste du marché bancaire. Il réagit à l’annonce des banques Belfius et Keytrade d’augmenter les taux des comptes épargne.
- Publié le 08-06-2023 à 04h00
- Mis à jour le 08-06-2023 à 07h12
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Éric De Keuleneer, deux banques dont Belfius annoncentqu’elles augmentent les taux d’intérêt de leurs comptes épargne. Peut-on estimer qu’elles ont répondu à l’appel du gouvernement ?
C’est une bonne chose que Belfius reprenne un peu le rôle qu’occupait à l’époque la CGER, qui était la banque publique par excellence. Elle était en quelque sorte le "price setter", à savoir l’institution qui fixait les prix. Or, en tant que banque appartenant à l’État, Belfius est un peu l’héritier institutionnel du Crédit communal et spirituel de la CGER. Et il faut rappeler que les comptes épargne sont des instruments qui font l’objet d’un subside fiscal, à savoir une exonération de précompte mobilier sur les intérêts. S’il n’y avait pas d’organisme bancaire qui donne le "la" au niveau des taux, il serait normal que ces derniers soient définis, de près ou de loin, par la puissance publique.
La réticence des banques est-elle liée à un manque de concurrence ?

Pour les dépôts, quand les taux directeurs baissent, les banques ont intérêt à baisser leurs taux rapidement. Par contre, quand les taux directeurs remontent d’une façon structurelle, on se rend compte qu’il manque quelque chose pour s’assurer que les taux des comptes épargne remontent aussi. Mais je crois qu’il y a toujours eu dans le chef des banques une difficulté à adapter les taux. Et jusque dans les années 90, les autres étaient obligées de suivre la CGER.
Aujourd’hui, il n’y a pas davantage de concurrence qu’il y a trente ans. Et si l’on affirmait que la concurrence réglerait bien des problèmes, force est de constater que cela fonctionne souvent dans un sens qui n’est pas nécessairement à l’avantage du consommateur. On a pu le voir sur d’autres marchés.
Le législateur peut-il avoir véritablement les coudées franches ?
Dans les années 80-90, il y avait dans le secteur bancaire quelques francs-tireurs. Les taux d’intérêt sur l’épargne étaient alors élevés. Et il est arrivé que l’État instaure un taux maximum. Puisqu’on peut instaurer des taux maximums, pourquoi ne pourrait-on pas fixer des taux minimums ?
Les autres banques vont-elles suivre Belfius ? Va-t-on assister à une remontée des taux d’intérêt sur l’épargne ?
Je crois qu’une remontée progressive et quand même rapide des taux est le scénario le plus probable et le plus désirable. Encore une fois, il me semblerait logique que Belfius continue à assumer un rôle d’initiateur.
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