Le congé fertilité, très loin de faire l’unanimité
Faut-il mettre en place un cadre légal, un congé spécifique pour les fécondations in vitro ? On en a débattu à La Chambre dans le sillage de deux propositions de loi visant à protéger, contre le licenciement, les travailleuses et travailleurs qui ont recours à un traitement contre l’infertilité.
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- Publié le 06-06-2023 à 19h30
- Mis à jour le 07-06-2023 à 09h33
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Mardi, la protection des travailleuses et travailleurs suivant un traitement contre l’infertilité était à l’agenda de la Commission des affaires sociales, de l’emploi et des pensions.
Des représentants du Conseil national du travail, du SPF Emploi, de l’ASBL Désir d’enfant ainsi que la directrice adjointe de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes ont apporté leur éclairage concernant deux propositions de loi, l’une portée par Catherine Fonck (Les Engagés), l’autre par Jean-Marc Delizée (PS).
Toutes deux visent à instaurer un cadre légal afin de protéger contre le licenciement et toutes formes de discrimination les travailleuses et travailleurs qui doivent régulièrement s’absenter de leur travail pour une fécondation in vitro (FIV), un traitement hormonal, une insémination artificielle…
18 000 fécondations in vitro par an
Shanti Van Genechten de l’ASBL Désir d’enfant a rappelé que 18 000 fécondations in vitro sont réalisées chaque année en Belgique. "L’infertilité impacte l’identité, le bien-être physique, l’image de soi, les relations sociales, la vie professionnelle…, a-t-elle précisé. L’instauration d’un cadre légal permettrait de diminuer le niveau de stress et d’augmenter le taux de productivité en réduisant l’absentéisme."
Les questions se sont cristallisées autour de deux grandes thématiques: le renforcement du cadre législatif contre le licenciement et l’instauration d’un congé fertilité.
Zone grise
Depuis mars 2020, la FIV est un des critères de la loi "genre" du 10 mai 2007, qui interdit toute discrimination fondée sur le sexe, a rappelé Liesbet Stevens, directrice adjointe de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes.
"Elle offre une protection contre le licenciement mais il reste une zone grise concernant les absences au travail pour suivre un traitement contre l’infertilité, souligne-t-elle. Contrairement à la femme enceinte qui, une fois l’employeur averti de sa grossesse, peut s’absenter pour passer des examens tout en gardant son salaire, la femme qui suit un trajet PMA (NDLR: procréation médicalement assistée) doit prendre un congé sans solde ou remettre un certificat médical. On pourrait étendre la protection de la grossesse au trajet PMA ou encore instaurer un congé PMA. Actuellement, en cas de litige, il faut prouver que l’employeur était au courant du trajet PMA, ce qui est toujours compliqué. Ce ne serait plus le cas avec un congé PMA ".
Des CCT, en veux-tu en voilà
Du côté des employeurs, représentés par Michaël De Gols (Conseil national du travail), on estime que la loi "genre" offre une protection suffisante. "Il y a aussi la CCT 109 qui protège d’un licenciement déraisonnable les travailleurs ayant un CDI ou CDD ", avance-t-il. Mais quid des travailleurs intérimaires ?
Il évoque dans la foulée une autre CCT, la 162, qui permet au travailleur de demander un aménagement de ses modalités de travail pour concilier vie professionnelle et vie de famille, et accessoirement un traitement contre l’infertilité. Quant à la mise en place d’un congé spécifique, il faut tout d’abord harmoniser les (trop) nombreux congés qui existent déjà. Il est rejoint sur ce point par les députées Florence Reuter (MR), Kathleen Verhelst (Open-VLD) et Nathalie Muylle (CD&V).
Géométrie variable
Catherine Fonck qui mène ce combat depuis 12 ans, a rappelé la nécessité de mettre en place un cadre légal "pour mettre fin aux “deux poids, deux mesures” entre certains parcours de femmes, à cette géométrie variable selon le bon vouloir de l’employeur pour rassurer ainsi les femmes qui entament ce parcours du combattant qu’est la PMA".
Le chemin pourrait être encore long avant de voir levés tous les freins.