Une approche genrée pour réduire les inégalités
Les préjugés de genre dans le chef des chercheurs en santé, des praticiens et des patients ont la vie dure. Ils contribuent à renforcer les inégalités face à la maladie, rappelle l’Institut wallon de l’évaluation, la prospective et la statistique (Iweps) en ce 28 mai, Journée internationale d’action pour la santé des femmes.
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- Publié le 28-05-2023 à 09h00
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L’analyse de la santé sous l’angle du genre est un enjeu essentiel pour notre société notamment pour garantir un meilleur calibrage des politiques publiques dans ce domaine, rappelle l’Iweps.
Si les hommes et les femmes ne sont pas traités de la même manière, ce n’est pas seulement à cause des différences biologiques et des inégalités socio-économiques et culturelles qui expliquent en partie l’état de santé plus précaire des femmes.
Dans un podcast, Rébécca Cardelli, chercheuse en études genre à l’Iweps, pointe un autre facteur, les représentations stéréotypées qui persistent tant dans le chef des chercheurs, des praticiens que des patients. Or, ces préjugés de genre dont la plupart des études belges en santé ne tiennent pas compte conduisent à des situations de discrimination entre les sexes en matière de prise en charge et d’accès aux soins.
C’est le cas notamment de la dépression, perçue comme étant une pathologie féminine. On peine à la diagnostiquer chez les hommes parce que les indicateurs en santé mentale utilisés mesurent davantage l’expression du mal-être féminin. Le sous-diagnostic chez l’homme est lié au fait que les signes d’un profond mal-être (surconsommation d’alcool, comportements à risque comme la conduite dangereuse) sont différents chez ce dernier.
En matière de santé mentale, les inégalités se renforcent: en 2018, 43,6% des Wallonnes présentaient des signes de mal-être psychologique contre 29,8% des Wallons (enquête de santé Sciensano). Un constat posé dans le cahier "Genre et santé mentale" de l’Iweps, publié en 2022.
L’impact des violences faites aux femmes
L’absence de prise en compte du genre dans la compréhension de l’état de santé mentale des femmes et des hommes contribue à occulter une problématique pourtant déterminante pour la compréhension d’une série de pathologies ou de comportements plus présents chez les femmes que chez les hommes: les violences faites aux femmes.
Rébécca Cardelli évoque l’enquête française Virage, menée en 2017 auprès de 25 000 hommes et femmes représentatifs de la population générale. Cette vaste étude met en évidence le lien fort entre les violences conjugales ou sexuelles et l’état de santé mentale des femmes. Ainsi, 26% des femmes victimes d’un inceste au cours de leur vie ont fait une tentative de suicide alors qu’elles ne sont que 4% parmi celles qui n’ont connu aucune violence sexuelle. L’écart est tout aussi important concernant la consommation d’anxiolytiques: 31% contre 13%. Les violences conjugales ont un impact tout aussi délétère: près d’une femme sur quatre (24,6%) maltraitée par son conjoint a commis une tentative de suicide contre 2,7%.
"Les expressions différentes du mal-être doivent inviter les chercheurs à intégrer davantage de variables dans l’analyse de la santé mentale, notamment des variables liées à des épisodes de violence de genre pour mieux comprendre la réalité complexe de la santé mentale des femmes, sachant que ces dernières ne constituent pas un groupe homogène", conclut Rébécca Cardelli.