De plus en plus de Métis sur les traces de leur histoire (vidéo)
La cartographie des archives coloniales, fruit d’une résolution adoptée il y a presque quatre ans, porte ses fruits. Au point que le travail de recherche, qui permet à des Métis de retrouver leurs origines, devrait être prolongé.
Publié le 08-05-2023 à 21h33 - Mis à jour le 08-05-2023 à 21h55
C’est un travail de fourmi qu’accomplit, depuis trois ans et demi, l’équipe de recherche liée aux archives du Royaume de Belgique, en charge de "cartographier" les documents concernant les Métis belges (nés au Congo ou au Ruanda-Urundi), dont bon nombre ont été, pendant la colonisation, arrachés à leur famille et envoyés en Europe ou en Amérique du Nord.
Parce qu’ils étaient le fruit d’une union blanche et noire que l’État colonial et l’Église réprouvaient, ces enfants furent enlevés, cachés ou déplacés, voire parfois privés de nationalité ici même, en Belgique. La honte de ce sang ni blanc, ni noir, était telle que pendant de longues années, il ne fut pas rendu possible aux Métis de connaître leur propre géniteur ou génitrice. "Je ne saurais jamais qui je suis, je ne connaîtrais jamais ni mon père ni ma mère puisque mon père d’adoption s’entête ne pas le dire, pas même à l’hôtel de ville", écrit ainsi ce Métis en 1927, dans un document poignant exhumé par les chercheurs.
Archives éparpillées
Dans la foulée des excuses de la Belgique en 2017 pour "la ségrégation ciblée dont les Métis ont été victimes", une résolution historique a permis d’ouvrir des archives tenues jusqu’ici à l’abri des regards. Avec l’objectif d’aider les Métis et leurs descendants à reconstituer leur histoire personnelle et collective.
Disséminés aussi bien en Belgique qu’en RDC, au Burundi, au Rwanda et jusqu’au Vatican, ces documents de diverse nature (dossiers individuels, correspondances, recensements) commencent à livrer leurs secrets. Sur les quelque 266 demandes de recherches émises par des Métis, environ 70% ont rencontré des résultats probants, d’après un premier "jalon" scientifique communiqué ce lundi. Au point que cette phase de recherches, prévue pour s’arrêter cet été, devrait être prolongée (lire ci-dessous). Et pour cause, le flux de demandes ne se tarit pas, en Belgique mais aussi au Congo.
Effet boule de neige
L’anthropologue Kristien Geenen, l’une des quatre chercheuses en charge de ce travail monumental (on parle, rien qu’en Belgique, de milliers de kilomètres d’archives), s’est rendue en RDC, où elle a déniché de nouvelles sources documentaires. Elle se dit "débordée par les demandes". Il faut le comprendre : "Une femme blanche qui vient aider les Métis à retrouver leurs origines, cela attire beaucoup de monde." Son travail a "suscité un nombre record de nouvelles demandes de recherche d’origine de la part de Métis congolais et de leurs descendants souhaitant obtenir des informations sur leurs familles biologiques belges", abonde François d’Adesky, confondateur de l’association des Métis de Belgique et membre du comité d’accompagnement du projet "Résolution-Métis". Un cercle vertueux, puisque le nombre de demandes nourrit la recherche de nouvelles sources d’archives… et vice-versa, explique Kristien Geenen. "Rien que la semaine dernière, nous avons trouvé un nouveau fonds (Solidarité Congo) : ce sont des dossiers de personnes qui ont été au Congo et ont demandé au gouvernement un prêt financier. Ce sont des documents très importants. Pourquoi ? Parce que nous, ce que nous avons ici, aux Archives Royales, ce sont surtout les dossiers de ceux qui ont travaillé pour l’État. Sauf que dans les années 50, seulement 20 % des blancs là-bas travaillaient pour l’État. La majorité travaillait pour des entreprises privées, et là, pour avoir accès aux archives, c’est plus compliqué..."
Le travail ne manque donc pas, d’autant qu’en parallèle, les chercheurs planchent sur un rapport devant établir la responsabilité historique des autorités coloniales belges et de l’Église. Celui-ci doit être remis au Parlement fédéral en 2026.