Crédits en berne: le secteur immobilier dans l’impasse en Belgique
L’octroi de crédits hypothécaires a fortement chuté depuis le début de l’année. Une mauvaise nouvelle pour les candidats acquéreurs, mais aussi pour les agents immobiliers.
Publié le 08-05-2023 à 07h00 - Mis à jour le 08-05-2023 à 09h19
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Alors que les maisons et appartements se vendaient comme des petits pains au sortir de la crise du Covid, le marché immobilier semble amorcer un tournant depuis quelques mois. Selon les derniers chiffres de l’Union professionnelle du crédit (UPC), les demandes de crédits hypothécaires en Belgique ont chuté de 37% au premier trimestre 2023, par rapport à la même période l’an dernier. L’octroi de crédits a, sans surprise, suivi la même logique (-36%). Il faut dire que la hausse des taux d’intérêt est de nature à refroidir plus d’un candidat acquéreur : autour d’1,5% il y a un an, les taux flirtent aujourd’hui avec les 4%.
Des ventes de plus en plus laborieuses
Cette situation a tendance à inquiéter les agents immobiliers, dont le nombre de clients a diminué depuis quelques semaines. "Pour les primo-accédants notamment, quand on combine cette hausse des taux d’intérêt aux restrictions appliquées par les banques, avec des quotités à 90%, cela devient très compliqué. Il faut avoir de plus en plus de fonds propres… ce n’est donc pas étonnant que la demande de crédits ait diminué", explique Antoine Boreux, agent immobilier chez Century 21 Immo Demeuse, à Namur. La conséquence pour ces professionnels ? "Il est clair que le téléphone sonne moins souvent ces dernières semaines..."
Même constat chez un autre agent immobilier namurois : "On sent un ralentissement depuis un mois ou deux, avance Olivier Anthone, manager de l’agence ERA La Clé à Bouge. D’un côté, on a des propriéta ires qui ont encore à l’esprit les prix élevés que l’on a connus il y a quelque temps. Et de l’autre, les acheteurs disposent de moins de moyens, donc il faut que cet écart-là se stabilise." Ce professionnel estime également que les sollicitations de la clientèle sont moins nombreuses qu’auparavant. "C’est difficile à chiffrer, mais je dirais qu’on est environ à 15% d’appels en moins."
Sur le terrain, les ventes sont plus laborieuses, même pour des biens abordables qui ont a priori tout pour plaire : "Il y a certaines maisons que l’on vendait très facilement il y a un an, et pour lesquelles on doit davantage cravacher aujourd’hui, souligne Antoine Boreux. L’exemple typique, c’est la maison à 250 000 euros avec un bout de jardin et des caractéristiques sympas. Avant, on aurait rapidement reçu des propositions. Mais désormais, c’est clairement plus lent... Là où on avait une quinzaine de visites la première semaine pour certains biens, on est désormais à la moitié, voire moins parfois."
Pas alarmistes
Chez Federia, la Fédération des agents immobiliers francophones de Belgique, on confirme également ce ralentissement de l’activité pour le 1er trimestre 2023. Si la situation n’est pas stressante pour l’instant, elle reste néanmoins préoccupante pour le secteur. "Entre la crise du Covid, les enjeux énergétiques et la hausse des taux d’intérêt, il faut effectivement avoir les reins solides pour être agent immobilier et même, plus généralement, entrepreneur aujourd’hui", observe Charlotte De Thaye, directrice générale de Federia.
Des fermetures d’agences sont-elles à craindre en raison du contexte difficile ? D’après notre interlocutrice, ce n’est heureusement pas à l’ordre du jour. "Je pense qu’il est sans doute trop tôt pour tirer des conclusions de cette baisse de l’octroi des crédits..."
Renaud Grégoire, porte-parole de la Fédération des notaires (Fednot), relativise, et estime qu’il faut replacer ces turbulences dans une perspective plus large. "Il faut se rappeler que l’on sort d’une période de taux très bas. Après la crise sanitaire, le marché immobilier s’est emballé. En réalité, nous revenons actuellement à un marché plus équilibré où les acheteurs ne sont plus obligés de se décider dans la précipitation et peuvent négocier." Si les ventes de biens immobiliers ont, selon le notaire, diminué d’environ 10%, "il est important de dire que 2022 est un point de comparaison particulier. Si on remonte à 2019, soit avant la crise du Covid, les constats s’inversent. On a davantage d’activité aujourd’hui qu’en 2019, pour la même période."
À ce stade, le secteur immobilier se dit dès lors attentif à l’évolution de la situation, mais sans alarmisme. "On s’attend à ce que les prix des biens immobiliers diminuent un peu pour contrebalancer la hausse des taux, souligne Olivier Anthone. Si les acheteurs ont moins de moyens financiers, à un moment donné, ce sera inévitable. Sinon, on ne pourra plus vendre! Je ne suis pas à 100% inquiet, mais il est vrai que j’attends que le marché se régularise, et qu’il reprenne un peu de vigueur..."