Procès des attentats | Khalid El Bakraoui: un gars terrifiant qui pouvait "mettre une balle " à un ami
Mohamed Bakkali, condamné à 30 ans de prison pour les attentats de Paris, est venu témoigner. Son récit a permis de dresser un portrait plus fidèle des El Bakraoui. Et surtout de Khalid qui était une réelle terreur.
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- Publié le 19-04-2023 à 13h32
- Mis à jour le 19-04-2023 à 13h51
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En apparence, la sécurité avait été quelque peu renforcée. Aux différentes entrées de la salle du procès des attentats de Bruxelles, un agent du DAB, encagoulé, avait été posté. car, ce mercredi, la cour d’assises entendait deux témoins particuliers: Mohamed Bakkali et Yassine Atar, tous les deux condamnés pour les attentats de Paris.
Les deux profils sont intéressants. À Paris, Bakkali avait présenté un profil plutôt intellectuel: le Verviétois a été diplômé en sociologie en suivant des cours en prison.
Yassine Atar, c’est le frère du fameux Oussama: accusé à Paris et Bruxelles, déjà condamné à perpétuité à Paris mais absent des deux procès en raison de sa mort supposée, mais non vérifiée. À Paris, Yassine Atar, c’était la pipelette du box: un vrai moulin à vent. Sauf que, ce mercredi, Atar a coupé court aux attentes de la Cour, du jury et des avocats: "Je ne vais répondre à rien du tout. Je suis totalement épuisé après Paris. Je suis maintenant dans la réinsertion, j’ai envie d’aller de l’avant. J’ai définitivement tourné la page." D’autant plus que la porte de sortie n’est plus très loin pour Atar car il n’a été condamné qu’à 8 ans de prison pour les attentats de Paris.
Khalid El Bakraoui: prêt à "mettre une balle" à un ami
C’est surtout le témoignage de Mohamed Bakkali qui a été particulièrement éclairant sur la personnalité des El Bakraoui.
Devant la cour d’assises de Bruxelles, Mohamed Bakkali a témoigné en dressant un portrait qui permet de dresser un portrait plus fidèle des frères et de leurs rôles dans la cellule.
Khalid, le plus jeune, s’est fait exploser dans le métro alors que son grand frère, Ibrahim, était à l’aéroport.
On avait déjà compris, par le passé, qu‘ils étaient assez différents au niveau de la personnalité. Mohamed Bakkali a surtout confirmé que Khalid était un gars dangereux et dont il fallait se méfier.

À propos d’un ami qui aurait pu compromettre Khalid, ce dernier avait déclaré à Bakkali: "s’il parle, je lui mettrai une balle dans la tête." Au fur et à mesure que leurs relations évoluaient, que Khalid se radicalisait de plus en plus, Bakkali a pris ses distances. Même après son arrestation en novembre 2015, Bakkali n’aurait pas osé balancer Khalid El Bakraoui: "Je savais que, si je disais quelque chose, Khalid s’attaquerait à mes proches."
Michel Degrève, l’avocat de Smaïl Farisi, a relancé Bakkali sur cet aspect. Smaïl Farisi avait prêté, puis sous-loué, son appartement de l’avenue des Casernes à Etterbeek aux deux frères. Au cours d’un de ses témoignages, Smaïl avait déjà rapporté que la venue de Khalid dans l’appartement avait tendu les relations. Il avait aussi rapporté avoir peur du frère d’Ibrahim. "Je sais que Khalid était capable de tout, a répondu Bakkali à l’avocat. Il était même capable de mettre une balle à un ami d’enfance."
C’est à un cours d’arabe en 2013 que Mohamed Bakkali avait fait connaissance de Khalid. Bakkali, c’était un commerçant qui traficotait dans les voitures et dans les contrefaçons. Il pensait bosser avec les frères El Bakraoui et c’est ainsi qu’il loue un appartement à Schaerbeek pour y développer ses activités de contrefaçon. Mais ce logement deviendra une planque de la cellule terroriste. "Fin septembre (2015), je ne savais pas ce qui s’y préparait. Khalid ne travaillait et a dit : ‘je vais l’utiliser pour des frères’."
Ibrahim : "plus posé, plus joyeux"
2015 aura été une année capitale dans la radicalisation des El Bakraoui. Auparavant, Khalid engageait des discussions politiques "mais il n’y avait rien de religieux dans ses propos." Le point de bascule: les attaques de Charlie Hebdo en janvier 2015. " Avec Ibrahim, on était plus proche. Il était plus posé, plus joyeux.
Les deux ne montraient pas ce qu’ils pensaient. C’était compliqué de leur poser des questions."Et, lors d’une discussion post Charlie," on était assis tous les trois et on discutait du religieux. Khalid était d’accord avec ce qui avait été fait, Ibrahim un peu. Moi, j’étais contre. Ibrahim considérait que j’avais plus ou moins raison. Mais Khalid..."
La présidente demande au témoin: "ils étaient jusqu’au-boutiste ?". Réponse de Bakkali: "les faits le montrent."

Ne pas leur poser de questions
Les avocats de la défense se délectent des propos de Bakkali qui confirment le statut de leader des frères El Bakraoui et de la dangerosité de Khalid. D’autant plus que les frères n’étaient pas du style à confier leurs petits secrets. "Pour moi, les El Bakraoui n’allaient pas passer à l’acte. Ce n’est que quand j’entre en prison que je comprends les liens entre les El Bakraoui et Paris." Et de rappeler ce que Kahlid lui avait dit: "si je ne te dis pas quelque chose, ce n’est pas par confiance mais par nécessité." Pour Bakkali, les El Bakraoui, "ce n’était pas des gens à qui on posait des questions. Khalid était assez parano. "
Pour les accusés qui ont côtoyé les deux terroristes, ce témoignage s’est avéré bien précieux.