Mobilisation contre les retraites: le gouvernement limite la casse
La dixième journée de mobilisation contre la réforme des retraites a vu l’affluence baisser, tout comme le nombre d’incidents. Mais la tension sociale reste vive alors que les autorités se veulent inflexibles.
Publié le 28-03-2023 à 21h06 - Mis à jour le 28-03-2023 à 21h11
La France brûle-t-elle ? Après une nouvelle journée de mobilisation (la dixième) contre la réforme des retraites, la réponse est non. Mais les heurts qui ont émaillé la fin des rassemblements dans de nombreuses villes ainsi que dans la capitale témoignent d’un climat social qui reste tendu. Et ce n’est pas le dialogue de sourds entre le gouvernement et les syndicats qui va arranger les choses.
La médiation, c’est non
En début de journée ce mardi, Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, le syndicat réformiste partisan d’une retraite à points, a réitéré son offre de trêve sociale, le temps que la pression retombe. "Il faut prendre un mois, un mois et demi, pour demander à une, deux, trois personnes de faire de la médiation, de la conciliation, d’aller voir les différentes parties", a-t-il proposé, mais le gouvernement lui a opposé une fin de non-recevoir par la voix de son porte-parole, Olivier Véran. "Nul besoin de médiation", a asséné ce dernier, estimant que les parties pouvaient se parler "directement".
Après un week-end noir pour les forces de l’ordre à Sainte-Soline, dans les Deux Sèvres, où un rassemblement écologiste a dégénéré, causant des blessures parfois gravissimes pour 200 personnes (y compris parmi les gendarmes et policiers), le ministre de l’Intérieur français Gérald Darmanin avait annoncé un large dispositif pour contenir les débordements: quelque 13 000 policiers et gendarmes répartis dans toute la France dont plus de 5 000 rien qu’à Paris.
Heurts et saccages
Cela n’a pas suffi à calmer les ardeurs de certains manifestants. Dans l’Ouest de la France où les heurts avaient été particulièrement violents jeudi, des violences et dégradations ont à nouveau été recensées à Nantes et Rennes malgré deux défilés jugés globalement plus calmes. Au moins un manifestant a été blessé lors de la manifestation nantaise, a constaté une journaliste de l’AFP. La préfecture a annoncé 49 interpellations.
À Rennes, de nombreuses dégradations ont été commises dans le centre-ville où une agence d’assurance a été saccagée. Les forces de l’ordre ont fait usage d’un canon à eau. Six personnes ont été interpellées.
À Toulouse, la manifestation a aussi été émaillée d’incidents. Les forces de l’ordre ont fait usage du canon à eau contre une cinquantaine de manifestants, vêtus de noir, portant masques et lunettes de protection. Même scénario à Lyon où des commerces ont été vandalisés et où la préfecture a décidé de l’usage du canon à eau.
À Lille, c’est aussi en fin de parcours, que des incidents ont éclaté entre forces de l’ordre et certains manifestants. Les premières ont utilisé deux canons à eau et tiré des gaz lacrymogènes avant de charger pour disperser des manifestants lillois, après l’arrivée du cortège. Certains manifestants ont répliqué avec des tirs de bouteilles vers les policiers, qui ont procédé à au moins une interpellation. La manifestation s’était jusque-là déroulée globalement dans le calme.
Souris et chats
Jets de projectiles, usages de gaz lacrymogène par les forces de l’ordre, dégradations ont également été recensés à Bordeaux, Calais, Dijon ou Caen. À Strasbourg, quelques centaines de jeunes manifestants ont joué au chat et à la souris avec les forces de l’ordre ; des vitrines de banques ont été brisées, comme au moins une dizaine d’abribus.
À Besançon, des heurts ont opposé environ 150 manifestants à la police. À Nancy, les forces de l’ordre ont tiré des gaz lacrymogènes en direction des manifestants sur la place Stanislas, la principale esplanade de la ville.
Affluence en baisse
Avec moins d’un million de manifestants selon le ministère de l’Intérieur (plus de 2 millions selon la CGT), l’affluence était clairement en baisse par rapport à jeudi passé. De même, la plupart des blocages ont eu lieu en matinée et certains mouvements de grève emblématiques sont amenés à prendre fin. C’est le cas des éboueurs de Paris, qui devraient reprendre le travail ce mercredi alors que plus de 7 000 tonnes de déchets jonchaient toujours, mardi, les rues de la capitale.
L’exécutif français, lui, regarde droit devant: la Première ministre Élisabeth Borne entend déjà "apaiser le pays et rassembler les bonnes volontés", tout en promettant "d’accélérer les réformes en proposant des mesures aux effets rapides et concrets pour les Français". Entre-temps, elle a tout de même proposé à l’intersyndicale une rencontre en début de semaine prochaine. Celle-ci a déjà appelé à une nouvelle mobilisation, le 6 avril prochain.