Titres-services: de nouveaux frais réclamés aux clients ?
Pour couper court aux plaintes de ses clients, une entreprise de titres-services a décidé de remplacer les frais de déplacement de ses aides ménagères par des frais de fonctionnement. Une pratique étonnante, mais bien légale.
Publié le 27-03-2023 à 06h00
Face au mécontentement de nombreux clients invités à participer aux frais de déplacement de leur aide ménagère, une entreprise de titres-services namuroise a décidé de remplacer cette contribution par... la facturation de frais de fonctionnement. "Indépendamment du temps que représente la gestion de ces rouspétances, la méchanceté du contenu des mails ou des appels téléphoniques est aussi parfois compliquée à supporter", écrivait, cette semaine, la société Home clean services dans un courrier adressé à ses clients.
Concrètement, dès le 1er avril, tous les clients de l’entreprise devront s’acquitter d’un montant forfaitaire de 2,20 euros par prestation de leur aide ménagère. Contrairement aux frais de déplacement, fixés à 2 euros par prestation, l’ensemble des utilisateurs sera dorénavant mis à contribution. Notons encore que cette somme ne servira pas uniquement à financer les trajets des travailleuses. "Les frais de fonctionnement participent aux coûts que représentent les avantages extra-légaux, les formations, les frais de déplacement entre les clients ainsi que le temps de déplacement entre ces mêmes clients", détaille l’agence de titres-services.
"Jusqu’à présent, seuls les utilisateurs qui avaient plus de 2 km entre leur domicile et celui de l’aide ménagère payaient des frais complémentaires. Les personnes qui avaient une distance inférieure ne payaient rien, ce qui n’était pas logique", détaille Nathalie Garcia, directrice de l’agence. L’idée ici est d’uniformiser la facturation de ces frais. Nathalie Garcia affirme qu’il s’agit d’une nécessité, à l’heure où les coûts des sociétés de titres-services explosent. "Rien qu’en termes de frais de déplacement, on paie 35 cents par kilomètre, contre 13 cents il y a un an. Si le déplacement de mon aide ménagère me coûte 5 euros, je dois faire participer les clients. Sans ces frais, c’est bien simple, les entreprises de titres-services ne pourraient pas survivre."
"On me rembourse directement"
Du côté des aides ménagères, cette décision suscite de l’étonnement, voire une certaine colère : "Où va aller cet argent ? Selon moi, cela ira dans les caisses de la société! Ce montant n’est pas destiné à aider financièrement les aides ménagères", réagit Élodie (prénom d’emprunt), une travailleuse de l’entreprise.
Si la directrice explique que ce changement n’aura pas d’incidence sur le montant des frais de déplacement des travailleuses, Élodie est dubitative : "Avec l’instauration des 2 euros supplémentaires pour les déplacements, je ne voyais déjà pas beaucoup de différence sur ma fiche de paie …" Elle évoque aussi le ras-le-bol de ses clients. Certains d’entre eux ont d’ailleurs décidé de lui octroyer directement ces frais supplémentaires, sans passer par l’entreprise. "J’ai notamment une famille pour laquelle je travaille depuis des années qui a décidé de me rembourser directement mes kilomètres… ils veulent être sûrs que je perçoive bien cet argent."
Une pratique légale
L’application de frais supplémentaires, dans cette entreprise comme dans d’autres agences, constitue souvent une source de tensions. Cette pratique est toutefois parfaitement légale. "C’est légal pour autant que ces frais complémentaires soient prévus dans les conditions générales et dans la convention ou le contrat signé entre la société et l’utilisateur de titres-services", nous répond-on au cabinet de la ministre wallonne de l’Emploi, Christie Morreale (PS). Ces frais complémentaires réclamés par la société doivent néanmoins être raisonnables, et refléter la réalité des coûts de fonctionnement de celle-ci.
L’entreprise doit par ailleurs détailler les raisons de l’application de tels frais. "Dans ce cas-ci, tout est en ordre, analyse Arnaud Le Grelle, directeur de Federgon (fédération des prestataires de services en ressources humaines) pour la Wallonie et Bruxelles. Et les motifs avancés font partie de ceux qui sont autorisés. Reste à savoir si le client a envie de les payer ou s’il souhaite faire jouer la concurrence."
La décision de ne pas régler ce montant ou de rémunérer directement son aide ménagère est assimilée à une rupture de contrat avec l’entreprise. "Votre société de titres-services devrait alors vous demander de chercher une autre aide ménagère… en sachant que l’application de ces frais est très généralisée dans le secteur. Mais en soi, le client n’est pas obligé d’accepter ce nouveau tarif, il peut se tourner vers d’autres sociétés actives sur le marché."
En appliquant de tels forfaits, les sociétés de titres-services ne risquent-elles pas de perdre une bonne partie de leur clientèle ? "Il y a un risque, c’est vrai, concède Arnaud Le Grelle. Mais le risque le plus important pour ces entreprises reste la faillite. Avant la crise Covid, une entreprise de titres-services sur trois rencontrait de grosses difficultés financières. Ici, avec l’inflation, la hausse des coûts de l’énergie, qui impacte notamment les centrales de repassage, on est bien au-delà de ce ratio." Le directeur de Federgon reconnaît toutefois que l’attribution de ces frais complémentaires peut manquer de transparence. "C’est presque impossible de savoir si les deux euros que l’on donne en complément seront transformés en salaire pour les travailleuses, ou s’ils passeront dans le renouvellement de l’informatique, qui pourrait permettre de faire une économie d’échelle, pour ensuite mieux rémunérer les travailleuses… Le calcul est complexe dans ces structures qui sont aujourd’hui en difficulté financière."