La tuberculose pourrait tuer bien plus que le Covid
Les conflits armés, les crises successives, les migrations forcées et la précarité qui en découle sont des facteurs favorables à la propagation de la tuberculose, alerte Action Damien.
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Publié le 24-03-2023 à 06h00 - Mis à jour le 24-03-2023 à 06h56
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La tuberculose sera bientôt la cause de mortalité principale résultant d’une maladie infectieuse, dans le monde. Cette prévision alarmante émane d’ Action Damien qui, à l’occasion de la Journée mondiale de la tuberculose (24 mars), appelle à intensifier les actions de lutte contre cette maladie infectieuse qui affecte principalement les poumons.
L’ONG belge, active dans 14 pays, permet de détecter plus de 250 000 cas d’infection à travers le monde et de garantir que ces patients reçoivent un traitement adéquat. Elle prend pour cible deux autres maladies infectieuses qui touchent les personnes les plus vulnérables: la lèpre et la leishmaniose, maladie parasitaire transmise par une mouche des sables.
18% de cas notifiés en moins en 2021
Dépistages annulés, traitements reportés… la pandémie pourrait bien avoir donné un méchant coup d’accélérateur à la tuberculose.
En 2020 et 2021, les programmes nationaux de lutte contre la tuberculose ont permis de dépister et de traiter 5,8 et 6,4 millions de patients sur les 10,1 et 10,6 millions estimés respectivement pour chacune de ces deux années.
"En 2021, il y a eu une réduction de 18% des cas notifiés et confirmés au niveau mondial par rapport à l’année précédente, souligne le Dr Alberto Piubello, médecin-conseil de l’Action Damien et expert de la tuberculose. Ce chiffre illustre l’impact assez lourd de la pandémie de Covid sur le dépistage et la prise en charge des personnes atteintes de tuberculose."
Les pays les plus touchés par cette maladie infectieuse sont l’Inde, la Chine, l’Indonésie, les Philippines, l’Afrique du Sud et le Nigéria.
Le gros problème dans ces pays, ce n’est pas l’accès aux traitements mais l’identification des malades. " Les traitements par antibiotiques aboutissent à un taux de guérison de 85% maison parvient à identifier seulement 6 0% du nombre estimé de cas. C’est pour cette raison que l’OMS a élaboré une nouvelle stratégie pour tester les personnes de façon active et non plus passive."
Ainsi, au Nigeria, des prestataires de soins se rendent à moto dans les régions les plus reculées où l’accès aux soins de santé est très faible. "Ces agents font du dépistage actif en se rendant directement dans les maisons des habitants avec l’accord des responsables de la communauté. Des tests PCR sont réalisés chez les personnes à haut risque, celles qui vivent avec le VIH ou dans des communautés insalubres. On fait d’abord un premier screening avec un appareil de radiographie portatif."
Le défi irréaliste de l’OMS
L’OMS s’est lancé un sacré défi, maîtriser l’épidémie de tuberculose d’ici 2035. Un défi irréaliste pour le Dr Alberto Piubello.
"Déjà dans les conditions normales, c’est un objectif difficile à atteindre, mais avec les crises que l’on a connues et quel’on connaît actuellement, ce défi me paraît bien trop ambitieux."
Tuberculose en Belgique : "On ne s’attaque pas aux déterminants sociaux de la maladie"
La Belgique est un pays à faible incidence, moins de 10 cas de tuberculose par 100 000 habitants, entre 800 et 900 nouveaux cas chaque année. Jusqu’en 2019, on a observé une baisse régulière des infections sauf à Bruxelles. En 2020 et 2021, les chiffres ont baissé à cause du Covid. "La tuberculose évolue lentement, il y a peut-être eu plus de transmissions à cause des retards de diagnostic mais on ne verra ces répercussions-là que dans 2 ou 3 ans, précise le Dr Vinciane Sizaire, directrice du Fonds des affectations respiratoires (Fares), chargé de la coordination des activités de prévention et de la surveillance de la tuberculose en Région wallonne et en Région de Bruxelles-Capitale. On verra ce qu’il en sera pour 2022, année marquée par une importante crise migratoire. On craint avec l’arrivée des Ukrainiens un petit retour de la tuberculose MTR (NDLR: multirésistante) mais aussi l’impact des autres migrants… L a crise de l’accueil n’a pas permis de dépister les personnes qui vivent dans la rue ou des squats. ".
Les cas de tuberculose se concentrent dans les grandes villes, en particulier Bruxelles. "Pas seulement à cause de la forte densité de population mais aussi parce que c’est là que se trouvent les groupes les plus précarisés: sans-abri, toxicomanes, migrants…".
La crise énergétique qui a mené à la précarité une partie de la population pourrait entraîner un retard dans le dépistage. "Chez les personnes amenées à revoir leurs priorités pour survivre, il y a un risque que la santé n’en fasse plus partie.".
De nouveaux traitements et de nouveaux outils facilitant le diagnostic ont été développés récemment pour enrayer la tuberculose. "T out cela est très bien utilisé en Belgique, le problème est que l’on ne s’attaque pas aux déterminants sociaux de la maladie. Tant que l’on ne complétera par la prise en charge médicale par une prise en charge socio-psychologique, on ne parviendra pas à éradiquer la tuberculose", conclut le Dr Sizaire.