Manu Gonzalez, permanent CNE pour Delhaize: "On est dans l’arrogance, la provocation et la menace"
Encore un dialogue de sourd lors du dernier conseil d’entreprise chez Delhaize, ce mardi 21 mars 2023. La rencontre a tourné court et les employés, en colère, veulent poursuivre la grève.
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Publié le 21-03-2023 à 14h17 - Mis à jour le 22-03-2023 à 07h07
Le conseil d’entreprise de ce mardi matin chez Delhaize s’est soldé par un échec, un dialogue de sourds. Manu Gonzalez, permanent national pour Delhaize: "Nous, on y allait en disant: “On n’accepte pas votre décision unilatérale, le plan de franchise.” Mais la direction a recommencer à jouer son disque préparé, revenir sur la situation concurrentielle en Belgique, sortir des chiffres… Mais pas de réponses aux questions que nous amenions en front commun. Donc la réunion a tourné court." Le tout dans une atmosphère très tendue.
"Leur objectif n’est pas de se mettre autour de la table et faire de la concertation. Cette approche, aujourd’hui, c’est terminé. Aujourd’hui, on parle de transférer le personnel vers un autre modèle économique, uniquement pour apporter plus de dividendes aux actionnaires, et répartir les risques sur la tête de chaque franchisé, au lieu de les prendre pour Delhaize."
Des questions sans réponse
Parmi les questions que se pose le front commun syndical, il y a les garanties du maintien des acquis des employés. "Tout n’est pas prévu par la CCT 32 bis, on voudrait des garanties, mais on n’a pas de réponse", dit Manu Gonzalez. "Que se passe-t-il si un franchisé fait faillite ? Est-ce que le groupe met des outils en place ? Là non plus, on ne nous répond pas… Et que se passe-t-il pour les personnes qui ont 30 ans d’ancienneté, qu’un franchisé déciderait de laisser sur le côté ? Il y a entre 60 et 70 employés et seulement une vingtaine chez un franchisé, comment faire ?"
Pour le permanent syndical, Delhaize veut se débarrasser d’années d’acquis sociaux et refiler la patate chaude aux franchisés. Il sait que face à un étudiant qui pèse moins lourd en matière d’ONSS, l’employé avec 30 ans de carrière a peu de chance auprès d’un franchisé.
Une évolution dans le climat d’entreprise
Manu Gomez est permanent CNE pour Delhaize depuis plus 10 ans, et a vu le climat se dégrader, et selon lui, le changement s’est amorcé en 2018, quand il y a eu la fusion avec la chaîne de supermarchés néerlandaise Albert Heijn. "On a bien vu que ce n’était plus dans une société de 155 ans, familiale, belge. On est passé à une multinationale."
Mais malgré tout, il y avait des échanges, des conseils d’entreprises où l’on pouvait poser des questions et avoir des réponses. "Puis ça s’est dégradé il y a 2-3 ans. Ils ont voulu appliquer une organisation du travail avec plus de polyvalence et de flexibilité. Ils n’ont parlé que de cela pendant trois ans. Cela a coûté la peau des fesses, puis finalement, la direction l’a dénoncée elle-même, car ça n’atteignait pas les objectifs."
Et une semaine après cela, Delhaize a annoncé qu’elle allait franchiser. "Pourtant, ce n’est pas une entreprise en faillite ou en difficulté, rappelle Manu Gonzalez. Elle performe moins bien, comme d’autres entreprises en Belgique avec la crise." Selon lui, c’est vraiment un changement du modèle que l’on veut appliquer dans le commerce: les conditions de travail et les rémunérations. Un modèle où on les conditions de travail ne sont plus fixées par des négociations collectives. "Chez un franchisé, chaque travailleur est individuellement face à son patron, c’est pour ça que les conditions de travail sont moins bonnes."
Les tensions, avec la présence d’agents de sécurité ou la police, c’est du jamais vu. "On n’a pas été habitué à des pratiques pareilles. Depuis l’annonce, on est constamment dans l’arrogance, la provocation, la menace. Ça n’existait pas dans le passé. C’est tendu, très tendu. Et cela se ressent au niveau du personnel. On parle de 90 magasins bloqués… Moi, je n’ai pas donné de mot d’ordre, ce sont des départs en grève spontanés. Plus on voit ces menaces, et moins les travailleurs veulent reprendre le travail. Ils veulent montrer leur colère. Et cela risque de s’exprimer différemment à l’avenir. "
Et la suite ?
Il reste un troisième et dernier conseil d’entreprise, fixé à la date de lundi… ce qui ne veut pas dire que les rencontres entre direction et syndicats seront réellement terminées, si on fait un parallèle avec Intermarché, où un conseil d’entreprise se tient encore jeudi alors que les échanges devraient déjà avoir abouti, en quatre mois de procédure…