Delhaize : conseil d’entreprise sécurisé, un "scandale" pour les syndicats
Ce lundi 20 mars, le conseil d’enteprise ordinaire entre syndicats et direction de Delhaize était encadrée par des agents de sécurité. "Inadmissible !" dénonce le SETca.
- Publié le 20-03-2023 à 18h34
- Mis à jour le 20-03-2023 à 19h39
"N ous sommes profondément dégoûtés et scandalisés par cette nouvelle injure à l’encontre des représentants des travailleurs." Les termes employés par les délégués syndicaux SETca sont à la hauteur de leur stupéfaction. Ce lundi matin, un conseil d’entreprise ordinaire se tenait au siège de Delhaize, à Zellik. Cette réunion était à l’agenda depuis longtemps, sans lien avec le dossier de franchisation des 128 magasins intégrés de l’enseigne au lion.
A l’entrée de la salle de réunion, les délégués se sont toutefois retrouvés face à une rangée de gardes de sécurité. "Ceux-ci les ont passablement fouillés avant qu’ils puissent rentrer dans la salle. Ces mêmes gardes se sont ensuite postés à l’intérieur pour “ surveiller“ la séance", peut-on lire dans un communiqué du syndicat socialiste.
Les représentants du personnel ont demandé à ce que les gardes n’assistent pas au conseil. Suite au refus de la direction, c’est finalement les délégués qui ont quitté la table. "Le fait que des gardes se postent au sein même du conseil d’entreprise est tout à fait inadmissible", réagit Myriam Delmée, présidente du SETca.
Cette présence sécuritaire s’inscrit dans le durcissement des tensions entre syndicats et direction du groupe de supermarchés, depuis l’annonce du passage sous franchise il y a deux semaines. "Personnellement, quand je me rends à une réunion, j’y vais pour défendre mes idées. Mais je les défends avec des mots, et pas autrement, souligne Myriam Delmée. Je ne sais pas si c’est la peur qui guide le raisonnement de la direction, mais force est de constater qu’elle est très mal conseillée..."
Mais au fond, une telle pratique est-elle bien légale ? "Je ne dirais même pas que c’est illégal, mais tout à fait insensé, nous glisse un juriste spécialisé en droit du travail. C’est incompréhensible du point de vue du respect de la concertation sociale. Ce type de pratique ne fait qu’accroître les tensions existantes!" Selon ce spécialiste, le recours à des agents de sécurité au sein d’un conseil d’entreprise pourrait se justifier en cas de menaces ou de coups et blessures à l’égard des membres de la délégation patronale. "Mais s’il n’y a pas d’antécédents d’agressivité ou de menaces invoqués, je ne vois pas sur quelle base légale la direction pourrait se fonder. C’est tout simplement de la provocation!"
"Ni des terroristes, ni des malfrats"
La direction de Delhaize justifie sa décision par la volonté de "favoriser un climat serein et de garantir la sécurité de tous les participants à la réunion", détaille Roel Dekelver, porte-parole de l’enseigne, sans confirmer la fouille qui aurait précédé la séance.
Le porte-parole affirme que la décision d’engager des agents a été prise suite aux tensions survenues lors du conseil d’entreprise extraordinaire du 14 mars dernier. Plusieurs centaines de travailleurs s’étaient alors rassemblés devant le siège du groupe à Zellik pour faire entendre leur mécontentement. "Le climat n’était pas serein du tout… Certains manifestants se sont même retrouvés à l’intérieur du bâtiment. Nous voulons donc éviter ces tensions pour les prochaines réunions..."
Cette analyse n’est pas du tout partagée par la présidente du SETca : "Il y a effectivement eu un début de mouvement, mais que nous avons tout de suite arrêté, et qui était plutôt lié au comportement des policiers présents sur place. Ces derniers avaient sorti leurs matraques en voyant la foule, à la sortie du conseil d’entreprise. Mais je le répète, le mouvement a été stoppé directement, il n’y a jamais eu de violence et ce n’est pas notre but. Cela discréditerait notre mouvement."
Des agents de sécurité seront néanmoins toujours bien présents ce mardi, lors d’un nouveau conseil extraordinaire entre syndicats et direction de Delhaize. Une situation très mal perçue par les représentants du personnel : "Si nous sommes accueillis de la même manière, nous quitterons la table, une nouvelle fois, martèle Myriam Delmée. Nous ne sommes ni des terroristes, ni des malfrats."