Procès des attentats: "Je serai en manque d’Aline pour toujours"; le témoignage poignant du papa d'Aline
Le papa d’Aline Bastin s’est adressé aux accusés en leur souhaitant le meilleur. Pas de haine mais le pardon se mérite...
Publié le 16-03-2023 à 11h14 - Mis à jour le 16-03-2023 à 14h49
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"Aline, je suis venu ici pour que tu vives un instant ". C’est par ces quelques mots extraits d’un poème que Pierre Bastin, le papa d’Aline, décédée dans le métro, est venu témoigner de manière remarquable.
Nous avions déjà rencontré le médecin d’Eben-Emael pour préfacer le début des témoignages des parties civiles (lundi 6 mars). Qu’aurions-nous pu entendre de plus ce jeudi matin ? Beaucoup plus qu’on ne l’imaginait tant le témoignage de ce papa meurtri à tout jamais a été digne, fort et pesé.
En reprenant l’enchaînement des événements qui ont suivi le matin du 22 mars 2016, Pierre Bastin a ému en faisant revivre ces insupportables moments d’attente. Il lit un témoignage de son épouse qui, le matin du 22 mars, l’appelle, terrassée par l’inquiétude : "‘ Aline, Aline est dans ce métro’ ". Il n’y a aucune certitude, juste un pressentiment. Un mauvais pressentiment… Pierre Bastin qui a vu défiler des milliers patients au cours de sa longue carrière peut toutefois soutenir "qu’une mère sent tout de suite quand un enfant est en danger. " Ce matin-là, c’est "la panique, le désarroi total. "
Les appels vers le portable d’Aline sont incessants. Mais dans les sous-sols de Maelbeek, personne ne répond. La propriétaire de son logement confirme : "oui, Aline a bien dormi dans son appartement." Un collègue du CER : "Madame, Aline n’est pas arrivée... "
Pendant que la maman angoisse minute et tente d’obtenir des nouvelles de sa fille, Pierre Bastin maintient ses activités. "Il y avait beaucoup de problèmes d’infections respiratoires à ce moment. La salle d’attente se remplissait. Je ne savais que faire et je savais que mes collègues étaient aussi débordés."

"La Reine, les yeux humides..."
Le lendemain, mercredi, l’attente se poursuit. L’espoir s’amincit. "On nous demande de contacter notre dentiste pour obtenir l’empreinte dentaire d’Aline. "
La famille se déplace à l’hôpital militaire de Neder-Over-Hembeek. "Nous étions entourés de gens bienveillants et tristes… Le Roi et la Reine sont arrivés. La Reine, les yeux humides, s’est assise à notre table... "
Jeudi, la famille n’a toujours pas de nouvelle d’Aline. Mais elle reçoit le contenu de son sac. "Elle n’est toujours pas identifiée. On a l’impression d’être sur une planche savonneuse et notre cœur essaye de s’agripper à la moindre aspérité."
La nouvelle tombera le samedi : "on en perd les jambes même si on s’en doutait..." La famille a la possibilité de voir le corps d’Aline mais Pierre Bastin n’en veut pas. "Je lui ai donné la vie et je ne veux pas la voir inerte, et dans quel état..." Justement, son état n’était pas celui qu’il aurait pu supposer. Sa fille a été tuée par le blast de l’explosion : "elle ne s’est rendue compte de rien. C’est la seule consolation que j’ai depuis sa disparition. Elle avait en tête les souvenirs de son dernier voyage à Cuba. Elle est partie sans souffrir... "
Pierre Bastin avait parfaitement structuré son intervention devant la cour. Il demande alors pour s’adresser "aux prévenus". Mais la présidente précise que ce sera via son intermédiaire. Le médecin de Bassenge livre alors un message qui doit correspondre à la personnalité de sa fille et à son ouverture. " La vie est belle, belle à un point que vous n’imaginez pas.
Vous n’aurez pas ma haine. Je ne veux la haine de personne. Je veux la justice. Je suis fier que vous soyez défendus par de bons avocats et jugés par un jury impartial dans un État que vous vouliez détruire."
"Je vous souhaite la meilleure des choses"
Quel pardon accorder ? "C’est la rencontre de deux volontés, les yeux dans les yeux. " Pierre Bastin n’a plus qu’un enfant mais, à 67 ans, il sait qu’il pourrait être le père de ces gars dans le box. "Vous et moi partageons la même nature humaine. Je vous souhaite la meilleure des choses et que vous preniez conscience de ce que vous avez fait et par quel mécanisme vous y êtes arrivés. Car c’est cela seulement qui vous rendra libres."
Pierre Bastin a ainsi honoré la mémoire de sa fille de la plus belle des façons. La famille est brisée et son papa souffle : "mon fils (Éric, présent à ses côtés pendant ce témoignage), je l'adore. Mais, malgré lui, mon cœur est brisé. Je serai en manque d’Aline pour toujours."