Le secteur de la construction en Belgique ne se porte pas mal, mais il doit s’adapter
Crise et transition énergétiques, pénurie de main-d’œuvre, prix des matériaux, moins de constructions et plus de rénovations… Avant le salon Batibouw (14-19 mars 2023), le patron d’Embuild (ex-Confédération Construction) évoque les enjeux d’un secteur de la construction qui va plutôt bien mais doit aussi s’adapter en Belgique.
Publié le 11-03-2023 à 06h00 - Mis à jour le 11-03-2023 à 08h30
:focal(544.5x371.5:554.5x361.5)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/5IZSB4NXBBFLNAIJZAQNTZX3NI.jpg)
En prélude du salon Batibouw 2023, avec Niko Demeester le CEO d’Embuild, la fédération de la construction, nous avons pris le pouls d’un secteur chamboulé par la crise Covid et celle de l’énergie. Mais qui entend bien se réinventer en s’inscrivant dans le contexte de la transition énergétique.
Le salon Batibouw démarre ce mardi 14 mars et s’achèvera dimanche 19 mars. Une 67e édition rabotée de 3 jours par rapport à celle de 2022 qui n’en faisait déjà plus que 9 au lieu des habituelles 11 journées qui avaient cours depuis 1967. Le Covid et la crise sont passés par là pour un événement qui est coûteux pour des exposants dont le nombre est d’ailleurs réduit à 500 au lieu de 600 l’an dernier. Une façon pour les organisateurs de minimiser leurs risques, comme l’avaient fait ceux du Salon de l’auto. En espérant que le succès de la brique sera à l’image de celui connu par les bagnoles en janvier dernier.
Il n’en reste pas moins que Batibouw reste un rendez-vous hyper important pour le secteur de la construction qui y pose généralement les fondations de son chiffre d’affaires de l’année. Ce Batibouw 2023 sera placé sous le signe de la «construction durable» avec notamment un espace Energy Solutions pour apporter des «réponses aux défis énergétiques d’aujourd’hui et de demain». Au vu du contexte, rien que pour cela, un détour par les palais du Heysel ne sera pas superflu.
Le programme, les infos pratiques, les exposants sont à retrouver sur www.batibouw.com.
Niko Demeester, comment se porte votre secteur ?
Il se porte plutôt pas mal, avec une année 2021 qui était vraiment bonne. Et même jusqu’à l’automne 2022, lorsque la conjoncture s’est un peu affaiblie. Pour 2023, on s’attend à une stabilisation après une croissance de 1,5 % l’an dernier. Même si c’est moins bien que 2021 et 2022, la construction n’est absolument pas dans une crise comme c’est le cas de l’industrie. Et on s’attend d’ailleurs à une reprise dès 2024.
Des sous-secteurs se portent mieux que d’autres ?
Oui. On parle d’une croissance zéro au global, mais, par exemple, on s’attend à une croissance de 10 % dans les investissements publics et la rénovation. Par contre, dans la construction non résidentielle les chiffres prévus sont négatifs. Après une baisse de 15 % en 2020 et une reprise qui s’est avérée très limitée en 2022, pour la période 2022-2024 ce segment connaîtrait une baisse d’au moins 20 %.
Pourquoi cette chute dans le non résidentiel ?
Beaucoup d’investissements ont été réalisés avant le Covid. Mais dans la perspective que tout le monde travaille encore au bureau. Or, le télétravail a changé cela et il faudra quelques années pour absorber cette surcapacité de plusieurs centaines de milliers de m2 de bureaux. Dans la construction industrielle, c’est plutôt la crise de ce secteur qui, dès l’automne dernier, a postposé les investissements.
La construction résidentielle, les logements neufs, devrait aussi marquer le pas par rapport à la rénovation. Pour quelle raison ?
Oui, on s’attend à une diminution de 6,5 % sur 2022-2024. D’un point de vue structurel, avec la volonté d’une politique "stop béton", le prix du foncier augmente, ce qui rend la construction neuve plus chère. C’est le résultat d’une volonté politique – que l’on comprend – de ne plus gaspiller du terrain vierge mais plutôt de favoriser la rénovation. La hausse des taux d’intérêt joue aussi un rôle. Même si un taux de 3 % est toujours très bon par rapport à l’inflation, cela a donné un petit choc aux candidats constructeurs.
Et le prix des matériaux n’a pas aidé…
Cela a encore eu un effet important en 2022. Mais on revient à une normalisation des prix et des délais. Avec même des produits comme le bois et l’acier dont les prix commencent à baisser. Par contre, on doit encore s’attendre à des hausses dans les matériaux énergivores comme la tuile, la brique et le ciment. Mais au total, on s’attend à une stabilisation des prix. Mais on ne reviendra évidemment pas aux prix d’avant la crise énergétique, car il y a aussi la hausse des salaires qui sera répercutée dans le prix des matériaux. Comme nos entrepreneurs la répercuteront aussi partiellement, c’est inévitable.
Le secteur table aussi sur l’après-élections communales 2024 qui est traditionnellement une période où les investissements publics reprennent. Mais les finances communales sont exsangues…
Oui, c’est un risque que les Communes n’osent plus investir. Mais je les engage à ne pas tomber dans ce piège-là. Car les besoins sociétaux sont là. Que ce soit le communal, le régional ou le fédéral, les autorités doivent investir massivement dans les écoles, les hôpitaux, les routes, les pistes cyclables… Car notre infrastructure est complètement obsolète. Or, il y a les opportunités du Plan de relance européen qu’il ne faudrait pas rater, avec des moyens disponibles pour financer nos investissements en construction. Mais pour ne pas les perdre, cela doit se réaliser avant 2026 et donc être lancé au plus tard début 2024.
A LIRE AUSSI | 15 000 à 20 000 postes vacances en Belgique dans le secteur de la construction