Simple suspension, salaire maintenu à 80% : pourquoi le Bureau prend-il autant de précautions envers son greffier ?
Les perquisitions de ce jeudi au Parlement wallon éclairent le dossier du greffier du Parlement wallon d’une lumière crue. On n’a pas fait dans la demi-mesure. Dans le même temps, les mesures prises jusqu’à présent par le Bureau du Parlement wallon à l’encontre de son greffier peuvent surprendre par leur apparente mansuétude. Qu’est-ce qui justifie autant de prudence ?
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Publié le 10-03-2023 à 04h00 - Mis à jour le 10-03-2023 à 09h18
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Six mois de prolongation pour la mise l’écart (de six mois) prononcée le 15 septembre 2022, l’obligation de rendre les avantages en nature (dont la voiture de fonction) pour le 15 mars et une retenue de 20% sur le salaire (7 200 € au lieu de 9 000 €). Lundi, le Bureau du Parlement wallon confirmait donc en trois lignes les décisions concernant le greffier Frédéric Janssens. Sans commentaires. Résultat: le sentiment insistant qu’on n’ose pas toucher au personnage.
"Pourtant, le Bureau a raison d’être prudent . Et ces décisions ne m’étonnent pas", réagit Stéphane Jaumonet, secrétaire fédéral CGSP AMiO (administrations et ministères).
"Le Bureau est bloqué"
Tout ce qui est entrepris jusqu’à présent à son égard, explique le syndicaliste, c’est ce qui est strictement prévu quand il y a un problème dans la fonction publique. "Et parmi les grands principes généraux de la fonction publique, il y a ceci: tant que l’action judiciaire est en cours, le Bureau est bloqué", rappelle-t-il. C’est l’argument déjà invoqué par l’ancien président du Parlement wallon et du Bureau Jean-Claude Marcourt: "Le judiciaire tient le disciplinaire en l’état ".
L’écartement du greffier le 15 septembre était d’ailleurs décidé par mesure d’ordre, à distinguer d’une sanction disciplinaire. La retenue sur salaire confirmée le 6 mars dernier n’en est pas une non plus. "En effet, la mesure d’écartement prévoit aussi une retenue de 20% maximum de la rémunération", souligne Stéphane Jaumonet. D’une certaine manière, le Bureau aurait donc poussé les curseurs à fond, dans ce qui lui est permis de faire ? "Ils suivent les règles habituelles de la fonction publique. Et à ce stade, oui, ils sont coincés."
Jusqu’à ce que la Justice se prononce sur une éventuelle culpabilité, sur une possible faute grave.
"Si c’est le cas, un licenciement pourrait être envisagé. S’il est blanchi, il pourra récupérer les 20% retenus".
Le cas Janssens, le cas Tonneaux
Un fonctionnaire est aussi soumis à des évaluations. "Mais pour licencier un statutaire, il faut deux évaluations négatives. Et il y a un droit de recours. Ce n’est pas aussi simple."
Par contre, selon le degré de gravité d’une faute établie, une révocation peut priver le fonctionnaire concerné de son droit à la pension publique. "Ses cotisations de pensions sont transférées de la colonne “pension publique” vers la colonne “pension privée”, résume Stéphane Jaumonet. Ce qui veut dire des montants moins élevés."
Pourquoi fallait-il à ce point protéger les fonctionnaires ? "Parce que c’est facile de calomnier un fonctionnaire qui ne délivre pas un permis de bâtir, par exemple, ou de diffamer un agent du DNF parce qu’il a collé une amende à quelqu’un. Les règles sont donc aussi établies pour protéger les agents dans leurs missions", poursuit Stéphane Jaumonet.
On se souvient pourtant de l’affaire de l’Office wallon des déchets: le comptable René Tonneaux avait été révoqué rapidement pour détournement d’argent en 2016. "S’il y a des aveux ou si une faute grave est constatée en direct, alors il n’est pas nécessaire d’attendre que la Justice fasse son œuvre pour licencier la personne. C’était le cas pour le comptable. Dans le cas du greffier, il n’y a pas de flagrant délit et encore moins d’aveux", souligne-t-il.
Quant aux menaces de mort prononcées par le greffier à l’égard d’un agent du greffe, menaces enregistrées, "ça fait partie du dossier judiciaire. Et la Justice appréciera la valeur de la pièce".
Le syndicaliste insiste: la prudence s’impose au Bureau. "Je comprends la frustration des agents du greffe qui voudraient tourner la page. Mais si le Bureau ne veut pas se retrouver avec un procès pour licenciement abusif, il faut respecter les règles. Toutes ces précautions me paraissent normales", conclut-il.