Les logopèdes aux portes des soins intensifs
A l’occasion de la journée européenne de la logopédie, focus sur un aspect méconnu de cette profession paramédicale: les soins urgents que les logos sont amenés à prodiguer dans les services d’oncologie, de neurologie et de néonatologie.
Publié le 04-03-2023 à 07h07
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Quand Nina-Sophie Louvet explique qu’elle exerce le métier de logopède, la réaction est souvent la même: "Ah, tu joues avec des enfants ! ". C’est pour tordre le cou à cette conception réductrice de la profession que le secteur a choisi de mettre le focus sur les soins urgents à l’occasion de la journée européenne de la logopédie (le 6 mars).
Nina-Sophie fait partie du service ORL du CHU Saint-Pierre de Bruxelles. Avec ses collègues logopèdes, elle travaille en partenariat très étroit avec les équipes médicales chirurgicales, essentiellement des chirurgiens ORL et des stomatologues.
"Nous intervenons essentiellement en oncologie après des chirurgies tête et de cou. Les patients éprouvent souvent des difficultés pour s’alimenter, pour avaler de manière générale y compris leur salive. Ils peinent également à articuler, à retrouver la voix. On commence généralement la rééducation dès la sortie des soins intensifs, c’est pour cela que l’on parle de soins urgents. Une prise en charge précoce permet de maintenir un certain tonus musculaire."
Il s’agit par exemple de patients qui ont subi une ablation totale du larynx ou d’une partie de la langue pour lesquels les logopèdes du service ORL vont mettre en place très rapidement une rééducation adaptée.
"Le patient chez qui on a fait une laryngectomie totale n’a plus de cordes vocales et ne peut plus respirer par le nez mais par un orifice trachéal au niveau du cou. Nous lui apprenons une autre manière de parler, à faire de la voix au départ d’une vibration au niveau de l’œsophage ce qui lui permettra par après de communiquer avec sa famille".
C’est une rééducation qui se fait étape par étape, de façon très progressive. "L’objectif est que le patient récupère un maximum de ses capacités antérieures à son cancer". Une fois sortie de l’hôpital, la personne bénéficiera d’un suivi adapté.
Après un AVC ou un traumatisme crânien
Les soins urgents de logopédie se pratiquent également dans le service de neurologie auprès de personnes qui ont fait un AVC (arrêt vasculaire cérébral) ou subi un traumatisme crânien. "Il est important de profiter de ce temps d’hospitalisation qui peut être assez long dans l’attente d’une place en revalidation car la récupération est meilleure dans les six premiers mois".
Ces logopèdes spécialisés sont également sollicités par le service de néonatologie pour prendre en charge les grands prématurés, les nourrissons qui ont subi une intervention chirurgicale ou qui présentent une malformation les empêchant de s’alimenter par la bouche.
"On va essentiellement intervenir au niveau des capacités d’alimentation. Dans un premier temps, on évalue la succion, la déglutition et la coordination entre les deux. Puis on propose des exercices de stimulation de la succion. Le but est de réinstaurer une alimentation par la bouche, que ce soit au sein ou au biberon en fonction de la demande des parents. On évalue le tonus du bébé, son endurance aussi. Si après deux succions, il est fatigué il ne pourra pas s’alimenter seul. On montre et on donne des conseils aux parents pendant les prises alimentaires. Pour certains enfants, le fait de stimuler la base de la langue en exerçant des mouvements de rotation sous le menton permet d’augmenter la durée des repas et les prises alimentaires ".
La formation à la pratique des soins urgents se fait essentiellement sur le terrain, lors du stage de fin d’études. "S i on n’a pas eu l’occasion de faire ce type de stage, il est possible de suivre des formations complémentaires".
Compétences reconnues
Les logopèdes spécialisés dans les soins urgents ne sont pas nombreux: "il faut être capable de travailler avec des patients placés sous oxygène, équipés de canules au niveau trachéal. Bien que cela puisse être impressionnant, c’est tout à fait accessible avec un peu de formation pratique. Il serait bénéfique que davantage de logopèdes puissent se former dans ces domaines".
Nina-Sophie et ses collègues apprécient de pouvoir travailler en partenariat étroit avec les chirurgiens et les équipes médicales: "il y a une considération assez équitable dans le sens où pour tout ce qui concerne la réhabilitation fonctionnelle, le retour à la vie normale, les chirurgiens considèrent notre avis, notre expérience professionnelle comme étant indispensables à la prise en charge globale du patient.".