Toujours plus de vins belges, mais que valent-ils vraiment ?
Avec 3 millions de litres produits en 2022, les vins belges ont battu un record. Le nombre d’hectares de vignobles est aussi en nette augmentation. Mais que valent les vins de chez nous ? L’avis d’un expert.
Publié le 02-03-2023 à 04h00 - Mis à jour le 02-03-2023 à 06h26
Champion du monde de dégustation à l’aveugle en 2018, juré-expert dans des concours internationaux, formateur,…, Philippe Berger est un fin connaisseur. Et les vins belges, wallons en particulier, il ne cache pas les apprécier beaucoup. Et bien les connaître aussi puisque le Namurois est membre de la commission wallonne d’agrément des appellations AOP (appellation d’origine protégée) et IGP (indication géographique protégée) des vins de Wallonie.
Que valent aujourd’hui les vins belges ?
Je constate clairement une évolution du niveau qualitatif des vins depuis quelques années. C’est dans le secteur des vins effervescents où on est qualitativement le meilleur car on a un climat assez proche de celui d’une région de référence comme la Champagne. Et c’est d’ailleurs aussi dans ce genre de vins que le consommateur belge mettra un peu plus de prix.
Les autres types de vins ne sont pas encore au niveau ?
Les blancs suivent juste derrière mais les rouges ont un peu plus difficile actuellement. Sans doute est-ce le défaut de la jeunesse. Mais on est aussi dans un climat septentrional, ce qui fait que lorsqu’on goûte les rouges, ça manque un peu de maturité. C’est un constat global évidemment. Mais par rapport à des vins de France un peu plus sudistes, par exemple type Côtes-du-Rhône, on trouve plus de plaisir que dans nos rouges qui sont un peu durs. Mais au final, ce sont les consommateurs qui ont le dernier mot. Et aujourd’hui ils s’y retrouvent plus dans les bulles que dans les rouges. Lorsque j’organise des dégustations, les rouges ont moins de succès.
La marge de progression reste-t-elle importante pour les vins belges ?
Cela reste des vignobles jeunes et c’est parfois aussi un peu le Far West, car on plante un peu de tout. Je ne dis pas que c’est négatif, mais on n’a donc pas encore suffisamment de recul par rapport à des pays présents depuis longtemps dans la viticulture.
Mais la qualité va encore augmenter, j’en suis convaincu. Dans 10 ou 15 ans, d’autres vignobles feront encore monter le niveau qualitatif.
Mais une multiplication très rapide des vignobles et des producteurs ne risque-t-elle pas d’être préjudiciable à la qualité ?
Non, on est plutôt dans une émulation positive. Et toute personne qui s’installe aujourd’hui tire plutôt les autres vers le haut que vers le bas. Car si les premiers vignerons ont peut-être tâtonné, on voit que les nouveaux demandent aux anciens leurs conseils. Il y a énormément de synergies entre les viticulteurs belges. Je ne pense pas que cela existe dans de nombreux vignobles de France où chacun reste plutôt chez soi et se fiche du voisin.
Même si la Belgique est petite, peut-on déjà dire que certains terroirs se distinguent des autres ?
C’est difficile de répondre à cette question car aujourd’hui l’AOP est très large. Est-ce qu’on peut dès lors dire qu’il y a une identité de terroir ? Pas vraiment encore. Ce qui ne veut pas dire que la qualité n’est pas au rendez-vous. Maintenant, si vous prenez une référence comme la Champagne, peut-on dire qu’on a une identité propre à un terroir sur 32 000 hectares ? Je ne crois pas. C’est plus un niveau qualitatif qu’on met en avant, ou la maison qui produit le vin. Un peu comme chez nous avec les deux leaders du vin effervescent que sont Ruffus et Chant d’Éole. Est-ce que le terroir ressort plus aujourd’hui que chez d’autres ? Je ne peux pas vous le garantir aujourd’hui.


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