La Tunisie bientôt verrouillée de l’intérieur ?
Le président Kaïs Saïed a resserré l’appareil répressif : contre l’opposition mais aussi les migrants, responsables de tous les maux tunisiens selon lui.
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Publié le 02-03-2023 à 17h16 - Mis à jour le 02-03-2023 à 17h17
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Hagards, ces Guinéens qui sortent de l’avion qui les a rapatriés de Tunisie sont en état de choc. Au micro de RFI, ils témoignent de la violence dont ils ont été victimes en Tunisie ces jours-ci, comme d’autres migrants subsahariens. "On a été agressés là-bas. On ne sort pas. Même pour aller chercher à manger, on a été cognés avec des cailloux", a ainsi expliqué cette jeune femme en descendant de l’avion ce mercredi.
Façon Zemmour
C’est suite aux propos du président tunisien conservateur Kaïs Saïed, le 21 février dernier, qu’un certain nombre de pays subsahariens ont pris la décision de rapatrier certains de leurs ressortissants. Mais tous ne pourront être exfiltrés de la sorte.
Façon Zemmour, Saïed s’en est violemment pris à cette immigration illégale (environ 60 000 personnes, sur une population tunisienne totale de plus de 12,6 millions de personnes), voyant en eux des "hordes de migrants clandestins" coupables de "violence, de crimes et d’actes inacceptables" ; une véritable "entreprise criminelle ourdie à l’orée de ce siècle pour changer la composition démographique de la Tunisie", a-t-il insisté.
La campagne anti-migrants lancée par l’exécutif tunisien semble surtout vouée à faire oublier l’extrême précarité de l’économie tunisienne, plombée par une crise covid mal gérée et la guerre en Ukraine. Constitutionnaliste renommé avant de se présenter sans étiquette à l’élection présidentielle en 2019, Kaïs Saïed l’avait emporté en promettant de s’attaquer à la corruption. Une posture qui lui a souvent servi de prétexte pour prendre des mesures autoritaires (dissolution du Parlement, main-mise sur le pouvoir législatif...)
La campagne de stigmatisation des migrants subsahariens et ses répercussions s’inscrivent dans un contexte de durcissement du pouvoir, au lendemain d’élections législatives boudées par la population. La répression s’est accrue tout au long du mois de février, ciblant notamment le front de salut national, qui rassemble des partis d’opposition, dont les islamistes d’Ennahda. Mais aussi des membres de la société civile, dont le patron d’une radio privée.
"Complot"
Ces arrestations ont été effectuées afin de prévenir un "complot contre la sûreté de l’État", justifient les autorités tunisiennes. Mais le front de salut national, formé à l’été 2021, alors que Kaïs Saïed venait de s’octroyer les pleins pouvoirs, ne l’entend pas de cette oreille et a tenté d’organiser, pour ce dimanche, une marche contre le président Saïed dans les rues de Tunis. Demande refusée par le gouverneur, au nom de... la sûreté de l’État.