"Poutine, au secours" : Macron en RDC dans un contexte bouillant
Le président français est attendu à Kinshasa cette semaine, alors que la situation dans l’est du pays (Kivu) ne cesse de se dégrader. Devant l’ambassade française, une poignée de manifestants a scandé des slogans pro-Poutine ce mercredi.
Publié le 01-03-2023 à 15h43 - Mis à jour le 01-03-2023 à 16h36
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Kinshasa, 23 février dernier. Dans les rues de la capitale de la RDC, un convoi d’une poignée de taxis ornés des drapeaux russe et congolais parcourt la ville toutes vitres ouvertes, certains conducteurs arborant des vêtements siglés d’un "Z" en soutien aux forces armées russes. Une opération relayée (organisée?) par l’ambassade russe au Congo, qui se félicite ce jour-là de l’entrain de ces "militants congolais non indifférents aux événements en Ukraine"…
Déstabilisation
Certains diplomates européens rient ouvertement de cette opération de propagande à bas coûts. Il est vrai que pour l’instant, la RDC échappe à la sphère d’influence russe en Afrique: par deux fois, le pays a voté en faveur des résolutions onusiennes condamnant l’agression sur l’Ukraine.
Pourtant, si l’événement est anecdotique, il témoigne des risques de déstabilisation profonde qu’encourt la RDC, dont une grande partie de l’est (Kivu) est aux prises avec un conflit de plus en plus inextricable: celui-ci oppose les forces armées gouvernementales à une centaine de groupes armés, dont le M23, une rébellion tutsie soutenue par le Rwanda voisin. Censées se retirer des territoires occupés dans le Kivu ce 28 février, les troupes du M23 combattent toujours et occupent depuis presque un an maintenant, leur "fief" de Bunagana, non loin de la frontière ougandaise.
Au milieu de ce chaos, la population congolaise paie le prix fort. D’après Amnesty International, des exécutions sommaires et des viols commis par des combattants du M23 ont eu lieu fin novembre, en marge d’affrontements à Kishishe, un village situé à une centaine de kilomètres de Goma.
Monusco out
Alors que les élections doivent se tenir en fin d’année et que la mission de l’ONU pour la stabilisation du Congo (MONUSCO) a échoué dans sa mission de sécurisation (bien que le mandat a été prolongé, son départ est acté), les Européens ont récemment accouché d’une nouvelle feuille de route stratégique pour la stabilisation de la région des grands lacs, qui fait la part belle à la partie congolaise du Kivu.
Outre la volonté de renforcer "l’empreinte diplomatique" de l’UE, le plan de stabilisation vise à soutenir et assister les acteurs de la sécurité, "y compris les agences militaires, de police et de renseignement."
Les Européens entendent également mettre le paquet sur leur communication, en particulier pour "lutter contre la désinformation, la manipulation de l’information et les discours de haine provenant de la région et émanant d’acteurs extérieurs". De quoi se donner du baume au cœur alors que la Russie entend tenir un second sommet Russie-Afrique en juillet prochain à Saint-Pétersbourg, après celui de 2019.
Médiateurs, sans plus
Pour l’heure, le Congo peut compter sur une aide militaire assez restreinte, dont celle de la Belgique, qui y forme des unités d’élite. Sur le plan diplomatique, la ministre belge des Affaires Étrangères Hadja Lahbib affirme avoir "des contacts avec le Rwanda comme avec la RDC", plaidant sans complexe pour "le respect de l’intégrité territoriale" du Congo. Une position de médiateurs sur laquelle tous les Européens sont alignés, dont le président français Emmanuel Macron, attendu à Kinshasa cette semaine dans le cadre de sa tournée africaine.
À l’heure d’écrire ces lignes, une position ferme de la France à l’égard du Rwanda était ardemment attendue par l’exécutif congolais, agacé par les bonnes intentions européennes trop peu suivies d’actes à leurs yeux. Il faut "faire mieux", a ainsi demandé le ministre congolais des Affaires Étrangères Christophe Lutundula à l’adresse d’Emmanuel Macron, juste avant que celui-ci ne s’envole pour le continent. Mercredi, avant son arrivée à Kinshasa, quelques dizaines de Congolais l’attendaient devant l’ambassade de France, aux murs fraîchement tagués d’insultes. "Macron, assassin", "Poutine au secours", scandaient les manifestants, dont certains agitaient fièrement le drapeau russe.