Le Covid long peut-il impacter durablement notre économie ?
Moins de travailleurs actifs, plus de dépenses de santé. La multiplication des cas de Covid long pourrait fragiliser nos économies et systèmes de santé, alerte l’Institut économique Molinari.
Publié le 27-02-2023 à 19h36 - Mis à jour le 27-02-2023 à 19h37
:focal(545x371.5:555x361.5)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/2JA4HPG33BATJDHF2EXCZRNPSE.jpg)
En septembre dernier, l’Organisation mondiale de la santé évaluait à 17 millions le nombre d’Européens souffrant du Covid long. Soit la persistance au-delà de 3 mois de symptômes fluctuants et multisystémiques (respiratoires, cardiaques, neurologiques,…) après une infection au Covid. Ces symptômes peuvent se manifester pendant plus de 18 mois voire plusieurs années étant donné la lenteur du processus de récupération.
Avec quelles conséquences économiques et sociales ? C’est ce qu’a cherché à savoir Cécile Philippe, présidente de l’Institut économique Molinari, organisme de recherche et d’éducation qui promeut l’approche économique dans l’analyse des politiques publiques.
Données préoccupantes
"On a voulu faire un point sur les possibles impacts économiques du Covid long parce que les données préoccupantes s’accumulent et qu’on ne va pas dans la bonne direction, explique l’économiste française. Les contaminations se poursuivent avec la possibilité pour chaque nouveau variant de réinfecter une partie de la population puisque la majorité des gens n’applique plus de mesure de protection".
Parmi les données qui inquiètent l’économiste française, il y a celles collectées par l’épidémiologiste américain Ziyad Al-Aly qui mène une étude sur une vaste cohorte de vétérans. " Al-Aly suggère que le Covid long est plus répandu chez les personnes ayant contracté plusieurs infections que chez celles qui n’ont été malades qu’une seule fois . Pour Laith Abu-Raddad, un autre épidémiologiste, chaque nouvelle infection serait la porte d’entrée au Covid long.
Si leurs craintes devaient se concrétiser, cela pourrait mettre en péril la sécurité sociale et créer des tensions sur les marchés du travail".
Premiers signes
C’est aux États-Unis et au Royaume-Uni, pays ayant un très faible taux de chômage, que l’impact économique du Covid long est le plus visible. Côté américain, David Cutler, professeur d’économie à Harvard, estime le coût de la pandémie à 3 700 milliards de dollars sur 5 ans.
Dans son point économique, l’Institut Molinari cite également Katie Bach (Brookings Institution): "Environ 16 millions d’Américains en âge de travailler souffraient de Covid long en août dernier." Parmi eux, 2 à 4 millions sont sans emploi à cause de cette maladie. Le coût annuel des seules pertes de salaire s’élève à environ 170 milliards de dollars (et pourrait même atteindre 230 milliards de dollars)."
Au Royaume-Uni, le patronat s’inquiète de l’ampleur du phénomène selon une enquête du CIPD (Cartered Institute of Personnel and Development): "26% des employeurs considèrent désormais le Covid long comme une cause principale d’absence pour maladie de longue durée".
En France, les signaux sont plus faibles mais ils existent, note Cécile Philippe qui pointe une hausse significative de l’absentéisme lié au Covid en 2021: 12% des arrêts de travail contre 6% en 2020.
Effet ciseaux négatif
"Il apparaît de plus en plus probable que la pandémie aura des conséquences sanitaires et économiques durables, avance-t-elle. Le Covid pourrait réduire significativement la croissance potentielle tout en augmentant les charges collectives (hausse des dépenses de santé…). Le risque existe que cette pandémie provoque un effet ciseaux négatif pour nos économies et les finances publiques."
Pour l’économiste, il est urgent de prendre des mesures pour prévenir les contaminations en améliorant la qualité de l’air pour soulager à la fois le système économique et le système sanitaire. "Ce n’est que si on pense et agit en amont que l’on ne se retrouvera pas dans le mur".