Plan alcool fédéral: "Aucune ambition à ce stade "
Le ministre fédéral de la Santé met la dernière main à un plan alcool qui, de l’avis des spécialistes, n’est pas assez ambitieux.
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Publié le 24-02-2023 à 18h31 - Mis à jour le 25-02-2023 à 08h36
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"Vous connaissez beaucoup de jeunes qui boivent du porto ou du sherry, vous ?" C’est avec une pointe d’humour plongée dans le verre de la déception que Martin de Duve, professionnel en santé publique, analyse les dernières évolutions du " plan alcool fédéral " concocté par le ministre Frank Vandenbroucke. Plan qui doit être présenté en conférence interministérielle début mars. Un projet pour lequel l’expertise de ce spécialiste des assuétudes a d’ailleurs été sollicitée, parmi d’autres.
"Ce qui est sur la table est insuffisant, très décevant au regard de ce que demandent les spécialistes de la santé. Il y a chez certains une volonté de mettre sur pied un plan ambitieux mais d’autres acteurs ont le pied sur le frein", estime Martin de Duve. Qui pointe le camp libéral au niveau politique, et sa proximité avec les secteurs économiques concernés. "C’est très inquiétant de voir que ce n’est pas la santé publique qui ressort de ce texte, mais plutôt les intérêts des alcooliers ou de l’horeca".
Coût social faramineux
"Il n’y a aucune ambition à ce stade. Alors que même d’un point de vue économique, cette frilosité ne se justifie pas", ajoute l’expert, qui rappelle que l’abus d’alcool coûte chaque année " entre 4 et 6 milliards" à la société, en termes de coûts de santé, d’absentéisme au travail ou d’accidents, entre autres. "L’état ne doit pas être un acteur qui favorise la surconsommation d’alcool". Ce qui est encore trop le cas, même avec ce plan fédéral en préparation.
Interdire tout achat d’alcool avant l’âge de 18 ans, comme cela se fait dans la plupart des pays d’Europe (voir carte) "aurait le mérite d’être plus clair, la loi est difficile à comprendre. 92% des points de vente ne respectent pas la législation en Belgique, autant dire tous", estime Martin de Duve. "Il serait logique de mettre le curseur sur la majorité, mais si le législateur veut conserver deux paliers, à 16 et 18 ans, admettons. Mais si on veut clarifier, pourquoi alors ne le font-ils pas sur le degré d’alcool, qui est une info qui figure sur toutes les bouteilles ? Interdire le porto, le sherry ou le Martini, c’est une mesurette qui n’a aucun impact. Ça ne reflète en rien la réalité du marché, où il y existe énormément de produits différents, et des produits attractifs pour les jeunes. Interdire la vente d’alcool sur les autoroutes la nuit, dans les hôpitaux ou dans les distributeurs, c’est insignifiant, ça ne représente qu’une infime partie de l’alcool vendu en Belgique."
L’eau gratuite
Une avancée, suggérée par les spécialistes de la santé, sera d’indiquer le nombre d’unités d’alcool sur chaque bouteille, et pas seulement le taux.
"On a fait une proposition concrète, avec un pictogramme. C’est une mesure simple qui aiderait beaucoup. La recommandation en santé est de ne pas dépasser 10 verres standards (10 g d’alcool valent une unité) à répartir sur la semaine mais peu de gens savent ce qu’ils consomment vraiment."
Autre proposition toute simple: "l’eau gratuite dans l’horeca. C’est la mesure la plus efficace pour la réduction des risques, en particulier chez les jeunes, à qui l’on fait payer un soda aussi cher qu’un verre d’alcool. On le sait, on a pu le vérifier. La plupart des pays en Europe l’imposent. Pourquoi pas la Belgique ?" Même si, au prix où l’horeca facture le verre d’eau minérale, on se heurte à des intérêts économiques.