Guerre en Ukraine: pourquoi les appels à la paix peinent à se faire entendre?
Depuis un an de conflit en Ukraine, le message en faveur d’un retour à la paix peine à se faire entendre. Pourquoi ?
Publié le 24-02-2023 à 09h06 - Mis à jour le 24-02-2023 à 10h49
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Ce week-end, le 26 février à Bruxelles mais la veille déjà dans d’autres capitales européennes, seront organisées des manifestations en faveur de la paix en Ukraine. Un combat difficile à mener reconnaît Samuel Legros, chargé de mission à la Coordination nationale d’Action pour la Paix et la Démocratie, le CNAPD, co-organisateur.
Samuel Legros, appeler à la fin des combats un an après le début de la guerre en Ukraine, n’est pas trop tard ?
Nous avions déjà organisé une manifestation au début du mois de mars de l’année dernière, qui avait réuni 4 000 personnes à Bruxelles. Mais nous étions dans une dynamique différente, davantage sous le coup de l’émotion. Ici, les motivations sont purement pacifistes. Ce que nous demandons, c’est un cessez-le-feu et l’ouverture de pourparlers pour une paix juste et durable, alors qu’on assiste à une escalade évidente dans la guerre.
Votre message de paix passe pourtant difficilement.
Il y a eu un débat interne difficile au sein des mouvements progressistes, et le fait même de demander un cessez-le-feu est une position difficile à prendre. Néanmoins l’appel à la manifestation du 26 février réunit 63 organisations, dont des voix importantes comme la FGTB, la CSC ou le CNCD 11-11-11. Pour pouvoir fédérer toutes ces organisations, on se concentre sur un seul message: l’appel au cessez-le-feu. Et on laisse de côté les analyses sur les raisons du conflit.
Le mouvement pacifiste n’est-il pas divisé comme jamais ?
Le front pacifiste est très divisé, c’est vrai. Les organisateurs de la manifestation sont attaqués, on sent bien que le sujet est extrêmement sensible. Il y a beaucoup de violence au sein des mouvements pacifistes au sujet de ce conflit. En lançant un appel à la paix, certains disent que l’on met la Russie et l’Ukraine, l’agresseur et l’agressé, sur le même pied. Mais ce n’est pas le cas. Pour nous, c’est avant tout à l’avantage du peuple ukrainien, dans la mesure où il ne subirait plus les bombardements russes. C’est le point essentiel: faire cesser les souffrances des gens.
Mais d’un point de vue politique et stratégique, un cessez-le-feu, en l’état actuel du conflit, ne serait-il pas à l’avantage de la Russie qui a conquis des territoires ukrainiens ?
Il ne faut pas préjuger de l’issue de négociations, dire à l’avance que le résultat sera à l’avantage de la Russie. Ce qui est sûr, c’est que c’est un jeu extrêmement dangereux de continuer la logique guerrière actuelle sans, a minima, accompagner l’aide à l’Ukraine de pressions politiques en vue d’un rapprochement débouchant sur des négociations. Celles-ci vont de toute façon avoir lieu. La guerre est là, il ne faut pas faire avec, mais plutôt sans, le plus rapidement.
Pourquoi cette position "anti-guerre" qui paraît légitime a-t-elle tant de mal à faire son chemin dans l’opinion ?
Dans l’opinion publique en Belgique, il y a un côté revanchard qui rappelle le climat de guerre froide et qui n’a jamais été déconstruit. Ce sont des ressorts qui ont réémergé très rapidement dès l’entrée en guerre de la Russie.
Le fait que du côté de la droite extrême, on appelle aussi à cesser ce conflit ne trouble-t-il pas votre message pacifiste ?
C’est très gênant en effet. En Belgique francophone, nous sommes heureusement épargnés, et en Flandre le Vlaams Belang préfère ne pas émettre une voix publique sur ce dossier sensible. C’est plus compliqué en France où les mouvements patriotes, et même une branche souverainiste de l’armée, relaient des positions douteuses. Mais nous sommes en opposition totale, notre vision du monde est complètement différente. Certes, en tant que mouvement pour la paix, on s’oppose à l’OTAN parce qu’on constate que c’est un facteur de guerre et d’instabilité, mais notre point de focale, c’est le droit international. Notre revendication est portée à un niveau européen, et uniquement par des mouvements de gauche. Dès lors, nous serons vigilants pour que, lors de la manifestation, soient exclus tous les messages condamnables. On est déjà dans une position assez compliquée comme ça.