Décès de l’avocat Sébastien Courtoy : "Un ‘punk’ qui emmerdait tout le monde"
L’avocat pénaliste, Sébastien Courtoy, est décédé inopinément quelques jours après une plaidoirie marquante au procès des attentats de Bruxelles. Qui était cet avocat attachant et si controversé ?
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Publié le 21-02-2023 à 14h44 - Mis à jour le 21-02-2023 à 19h30
C’était jeudi dernier, le 16 février. Au premier rang du procès des attentats de Bruxelles, assis à nos côtés, les deux policiers chargés du dispositif de sécurité peinent à masquer le plaisir qu’ils prennent manifestement à entendre plaider Sébastien Courtoy. L’avocat bruxellois, décédé inopinément ce 20 février, ne laissait personne indifférent. Ni les victimes, ni les avocats, ni la cour, ni le parquet...
Sébastien Courtoy était un adepte des punch line provocatrices, comme des bad buzz. On se souvient d’une stratégie de plaidoirie peu intelligible au procès des attentats du musée juif (2019). Il y avait soutenu que le Mossad - les services secrets israéliens - était derrière cette attaque terroriste islamiste : "une exécution ciblée du Mossad ". Le coup était tordu et complètement foireux mais l’avocat de Mehdi Nemmouche s’y était accroché jusqu’au bout. "Il s’était planté, se souvient un avocat de partie civile. Mais il avait tenu le public en haleine."
Courtoy, l’avocat des djihadistes, antisémites et extrémistes (de droite) était costaud lorsqu’on attaquait le fond du dossier. Même si l’équilibriste a quelques fois chuté de son fil. Son jeu d’acteur, sans nul autre pareil, lui valait une forme de complaisance de ses pairs et de ses opposants. Mais d’autres se braquaient légitimement lorsque le pénaliste portait des coups sous la ceinture. Dernièrement, il nous avait rappelés - au mot près - le titre d’un de nos articles qui l’avait visiblement marqué : "Courtoy suinte l’antisémitisme", avions-nous écrit en 2019 en reprenant les propos du directeur du musée juif au terme du procès.
"Brillant, intelligent et drôle"
Il savait que son attitude offensive jusqu’à la déraison ne plaidait pas toujours en sa faveur. Et c’est aussi pour cela qu’il n’était pas rancunier. Dernièrement, il venait d’écoper d’une suspension d’un jour par le conseil de discipline pour des propos tenus au procès du musée juif à l’égard de confrères. Guillaume Lys, avocat de parties civiles, avait été traité de "clown". Pas revanchard, Sébastien Courtoy en riait avec Lys ce jeudi devant la machine à café au procès des attentats de Bruxelles. "Il y avait ses frasques mais le gars était brillant, intelligent et drôle, reconnaît Guillaume Lys. C’est un sacré personnage qui donnait une tonalité au procès. On savait qu’on avait un challenger en face de nous." Il avait déclaré espérer que sa suspension tomberait "un jeudi. Parce que, le jeudi, j’ai piscine." Pied de nez au barreau, il n’exécutera pas sa peine.
"Il y avait ses frasques mais le gars était brillant, intelligent et drôle. C’est un sacré personnage qui donnait une tonalité au procès"

Des clients sulfureux
"C’était un libre penseur. Il ne répondait à aucun dogme. Il n’avait aucune autre ambition que d’être lui-même"
C’est indéniable : le pénaliste ne faisait pas l’unanimité. Certaines de ses positions étaient moins audibles. Alors qu’il défendait Dieudonné poursuivi dans une affaire d’ "incitation à la haine", Sébastien Courtoy et son confrère - et comparse, Henry Laquay, avaient exécuté une quenelle aux côtés du polémiste français. La photo avait terni l’image de l’avocat mais lui s’en amusait. C’était l’aspect nébuleux du personnage où il n’était pas toujours évident de mesurer la distance qu’il prenait avec les causes défendues par ses clients. "C’était un libre penseur. Il ne répondait à aucun dogme, retient l’avocat et ami Jonathan De Taye. C’était un punk qui emmerdait tout le monde. " Le député négationniste Laurent Louis, Dieudonné, le prédicateur Jean-Louis Denis, Mehdi Nemmouche : Courtoy avait une clientèle assez typée. "Il n’avait aucun programme de carrière. Il était là aux bons moments. Il n’avait aucune autre ambition que d’être lui-même."
Un dernier baroud ce jeudi
Sébastien Courtoy savait aussi malmener ses clients. Comme Smaïl Farisi, accusé comparaissant libre au procès des attentats de Bruxelles. Jeudi, dans un dernier baroud, l’avocat avait mené une plaidoirie où il a démonté pièce par pièce le dossier à charge de son client. N’hésitant pas à le qualifier d’alcoolo et de déclarer à son propos : "La seule allégeance qu’on lui connaît, c’est à Interbrew. " Difficile pour les jurés et parties civiles de ne pas s’en amuser... Ce jeudi, Sébastien Courtoy avait été excellent et quelque peu exalté par le combat qu’il menait pour "mon Smaïl ". "Plus qu’à l’habitude, l’avocat Sébastien Courtoy a le visage pourpre, avons-nous écrit. Si les attitudes de son client, Smaïl Farisi, l’agacent régulièrement, il le défend avec l’énergie qu’on lui connaît. Et il l’a démontré de manière implacable ce jeudi."
Le Molière du pénal
Si Smaïl Farisi est acquitté, ce sera certainement grâce à cette plaidoirie du 16 février. Un acquittement à titre posthume dans le procès du siècle : ce serait la dernière frasque de l’avocat. Comme Molière, Sébastien Courtoy est décédé peu après avoir joué le rôle clé dans Le malade imaginaire. Sa dégaine de grand gars un peu déglingué, ses lunettes d’aviateur qu’il portait en permanence et son jeu d’acteur manqueront aux amateurs de chroniques judiciaires.
