Ces pays que la Russie tente de fragiliser, voire pire
Serbie, Kosovo, Bosnie, Monténégro… la Russie tente de destabiliser les Balkans et l’Europe centrale en marge de la guerre en Ukraine. Mais c’est sans doute en Moldavie, un pays en pleine crise, que la situation peut dégénérer.
Publié le 20-02-2023 à 17h26 - Mis à jour le 20-02-2023 à 17h27
:focal(545x372.5:555x362.5)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/CTLOZ2Y675B6XEKPPJVJ5Y55R4.jpg)
Ils étaient quelques milliers de manifestants dans les rues de la capitale moldave Chisinau ce dimanche, réunis contre le gouvernement et sa présidente pro-européenne Maia Sandu. Le rassemblement a eu lieu alors que le pays connaît de graves tensions économiques, sécuritaires et politiques, qui ont atteint leur paroxysme quand un missile russe a survolé, voilà dix jours, le territoire. Presque au même moment, la Première ministre pro-européenne Natalia Gavrilita donnait sa démission, actant un manque de confiance de la population à son égard. Dans la foulée, les services de renseignements moldaves affirmaient que Moscou a activement œuvré au renversement du gouvernement.
Pays divisé
Pour l’heure, c’est le pro-européen Dorin Recean, l’ancien ministre de l’intérieur, réputé inflexible sur les questions de sécurité, qui occupe le poste de Premier ministre. Mais le pays demeure sous tension. La manifestation de ce dimanche à Chisinau fait suite à l’appel du parti russophile Sor, du nom de son chef Ilan Sor, ancien maire d’Orhei (jusqu’en 2019), actuellement en résidence surveillée en Israël suite à une gigantesque affaire de fraude bancaire. "Sor", qui dispose d’une poignée de sièges au Parlement moldave, n’est pas la seule force politique pro-russe, détaille Stefan Morar, spécialiste de l’espace post-soviétique à l’université de Montréal. "La partie pro-russe est représentée par de nombreuses forces politiques : les parlementaires sont le PCRM (Parti des Communistes), le PSRM (Parti des Socialistes) réunis dans une alliance électorale appelée le Bloc des Communistes et Socialistes (32 sièges sur 101)." Hors du Parlement, les forces pro-russes sont légion, entre "le Mouvement National Alternatif du maire de Chisinau, et le PDCM (Parti du développement et de la consolidation de la Moldavie) dirigé par l’ancien Premier ministre Ion Chicu", poursuit le chercheur, qui pointe un "autre acteur pro-russe important en la personne d’Irina Vlah, dirigeante de la région autonome de Gagaouzie, qui est également membre du gouvernement moldave, par défaut".
Fausses alertes, vrai danger
"D’autres petits partis pro-russes sont créés en ce moment même, pour donner une impression de force sur le côté gauche de l’échiquier politique", remarque Stefan Morar, qui observe la multiplication des interventions depuis Moscou, comme lors de l’élection présidentielle de 2020. À l’époque, rappelle le chercheur, "la Russie a envoyé une équipe de consultants politiques pour aider Igor Dodon (NDLR : le candidat pro-russe) à affronter Maia Sandu", laquelle est parvenue à l’emporter notamment grâce au vote des Moldaves vivant à l’étranger. L’année précédente, le même genre de "consultants", dont certains se sont avérés être des agents du FSB (ex-KGB), avaient aidé Ivan Ceban, autre candidat pro-russe, à emporter la mairie de Chisinau.
Selon plusieurs médias d’investigation moldaves, il n’est pas rare que des agents du FSB opèrent en Moldavie sous couverture diplomatique, et ce depuis au moins 2014.
La Moldavie n’est pas le seul pays zone que la Russie tente de déstabiliser : "Les tensions ethniques resurgissent entre la Serbie et le Kosovo", fait valoir le chercheur, qui cite "de fausses alertes à la bombe dans différentes villes de Moldavie, du Kosovo, de Serbie, de Bosnie et du Monténégro. Depuis le début de la guerre, une propagande et une désinformation systématiques se sont répandues dans tous les pays d’Europe de l’Est." Concernant le plan de renversement du gouvernement moldave, mais aussi dans d’autres États tels que ceux précédemment cités, "il s’agissait de menaces hybrides coordonnées et synchronisées, ciblant des vulnérabilités systémiques et visant à influencer la prise de décision", alerte Stefan Morar, rappelant que Sergeï Lavrov, le ministre des Affaires étrangères russe, a explicitement menacé la Moldavie début février. À sa suite, "Sergueï Mironov, président du parti Russie juste, député à la Douma et ami proche d’Igor Dodon, a déclaré que la Russie pourrait lancer une opération militaire spéciale en Moldavie pour protéger les russophones". Un scénario qui n’est pas sans rappeler celui du soutien aux séparatistes du Donbass, prétexte à la tentative d’invasion de l’Ukraine.