Procès des attentats de Bruxelles : "la seule allégeance qu’on lui connaît, c’est à Interbrew"
Un innocent parmi les accusés ? La démonstration de l’avocat de Smaïl Farisi a été efficace et percutante ce jeudi matin.
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Publié le 16-02-2023 à 14h48 - Mis à jour le 21-02-2023 à 08h22
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"Monsieur Farisi a donc aidé des gens qui voulaient le jeter (du toit) d’un immeuble ? " Plus qu’à l’habitude, l’avocat Sébastien Courtoy a le visage pourpre. Si les attitudes de son client, Smaïl Farisi, l’agacent régulièrement, il le défend avec l’énergie qu’on lui connaît. Et il l’a démontré de manière implacable ce jeudi.
Les questions adressées aux juges d’instruction, enquêteurs et experts ont probablement fait basculer la balance de la justice. Smaïl Farisi est inculpé dans le procès des attentats de Bruxelles pour avoir sous-loué son appartement à des membres de la cellule terroriste. C’est de l’avenue des Casernes à Etterbeek que Khalid El Bakraoui et Osama Krayem avaient pris le départ pour mener l’attaque dans le métro.
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"Les homosexuels condamnés à mort"
Par ses questions, Sébastien Courtoy voulait démontrer que Smaïl Farisi n’avait aucune connaissance du projet diabolique qui se mettait en place dans son appartement. L’avocat présente son client comme homosexuel, bisexuel et ne rechignant pas à la compagnie de transsexuel. À l’islamologue de la police, il demande si ce profil correspond à celui des djihadistes. "Si M. Farisi était au sein de l’État islamique, on lui dit : ‘tu deviens calife ou autre chose ?’ ". Réponse de l’islamologue Mohamed Fahmi : "Lorsqu’une personne est homosexuelle ou bisexuelle, elle est condamnée à mort par l’État islamique. Dans certains cas, on les jetait des toits des immeubles. "

Farisi "innocenté" par un enquêteur ?
Sébastien Courtoy a entamé sa série d’uppercuts par un KO dès le premier round. Lorsqu’il interroge l’enquêteur de la police fédérale : "se souvient-il d’une audition de Smaïl Farisi du 19 septembre 2017 où il a, par deux fois, sorti une phrase capitale pour l’innocence de mon client ? " L’enquêteur savait que cette question tomberait et l’audition filmée est diffusée dans la salle du procès. Malgré la piètre qualité du son, on peut entendre l’enquêteur dire à Smaïl Farisi et à son avocat : "je ne pense pas, quelque part dans le dossier, que M. Farisi ait participé au projet."
Bingo, s’enthousiasme Courtoy qui remet une couche au second round : "à deux reprises, j’ai demandé au chef d’enquête de retranscrire ce qui s’était dit lors de cette audition." Et cela n’a jamais été fait alors qu’il s’agit d’un élément majeur permettant d’innocenter Smaïl.
Pour que son client sorte libre de ce procès, Courtoy sait aussi le malmener sans prendre des pincettes. Après avoir évoqué ses orientations sexuelles, il évoque sa dépendance à l’alcool quand il déclare que "la seule allégeance qu’on lui connaît, c’est à Interbrew."
Et les enquêteurs comme l’islamologue de confirmer que Smaïl Farisi n’avait aucun lien avec la religion et encore moins avec l’islam radical. L’avocat revient ensuite avec un détail de sa relation avec son ex-petite amie. Lors du deuil de sa grand-mère, elle avait porté le voile islamique ; ce qui n’avait pas plu à Smaïl. "C’est tout à fait contraire à l’idéologie de l’État islamique de faire retirer le voile à une femme," confirme l’islamologue. Et un peu plus tard, il répond à une nouvelle question : "aucun élément ne permet d’affirmer que M. Farisi adhère à une théorie djihadiste ou religieuse. Ses comportements sont en contradiction avec les comportements habituels des djihadistes."
Libéré sans conditions
L’intéressé, libéré sans conditions depuis 2018, avait même bénéficié de l’arrêt du régime de haute sécurité lorsqu’il était incarcéré à la prison de Marche : une mesure extraordinaire dans le cadre d’affaire de terrorisme. Avec insistance, Courtoy veut que les juges d’instruction clarifient l’absence de conditions à sa remise en liberté. "C’est qu’on considère qu’il ne constitue pas, ou plus, un danger pour la sécurité publique."
Courtoy fulmine, Smaïl - généralement assommé par l’alcool pendant les audiences - retrouve le sourire. Dans les couloirs, un avocat de parties civiles constate : "les frères Farisi, c’est un poison pour cette cour d’assises." Les habitués de ce procès ont certainement pris la mesure de la légèreté de ce dossier concernant les deux frères. Et on peut considérer que les jurés sont des habitués de ce procès...