La galère des stagiaires infirmières
Ces 9 et 10 février, l’UCLouvain consacre un colloque aux stages infirmiers. Il met en évidence le cercle vicieux de la pénurie de soignants.
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Publié le 09-02-2023 à 06h00 - Mis à jour le 09-02-2023 à 06h01
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"L ors de mon 1er stage, on m’a dit de faire la toilette de dix résidents sans même m’expliquer l’organisation du service ou les patients, sans me demander si j’avais déjà lavé une personne, si j’avais des a priori, si j’allais m’en sortir toute seule. Je n’avais jamais lavé quelqu’un d’autre que moi." Ce témoignage de Zoé, étudiante infirmière en 1re année est partagé dans le livre blanc du colloque "Par-dessus les épaules des stagiaires: La profession infirmière".
Le colloque international se tient les 9 et 10 février à Louvain-la-Neuve. Il conclut deux années de recherches menées par trois chercheuses de l’UCLouvain, avec le soutien de la Fondation Roi Baudouin.
Situation catastrophique
L’étude met en évidence que près de la moitié des étudiants rapportent avoir mal vécu leur toute première expérience de stage. Et ce n’est pas seulement un effet Covid. "Les difficultés étaient préexistantes à la crise Covid, analyse Christine Grard, anthropologue responsable de l’étude et infirmière enseignante. Mais la crise a augmenté les difficultés, la mise à l’écart et la marginalisation des stagiaires, dans un contexte de pénurie. Depuis la fin des années 90, il y a une recherche de la rentabilité: l’efficacité à moindre coût."
La crise Covid a entraîné des démissions et des burn-out, et son corollaire, des équipes sous-staffées. "Mais il faut que le travail se fasse", dit Mme Grard. Les témoignages recueillis dans le cadre de son étude montrent que le jeune n’est pas vu comme un investissement pour l’avenir, mais comme un "boulet". "Il est plus lent, plus jeune. Prendre le temps de lui montrer et lui expliquer n’est pas possible."
Cette expérience de stage négative pousse des jeunes à arrêter des études. "Certains soignants quittent la profession abandonnent après un an d’activité professionnelle. On est dans une spirale négative de plus en plus rapide."
Des pistes de solution
L‘étude de l’UCLouvain ne fait pas que des constats négatifs, il apporte des pistes pour améliorer la solution. "Cela doit commencer par des équipes convenablement staffées, dit Christine Grard. Cela demande une décision courageuse du ministère de la Santé, parce que le problème, c’est que les hôpitaux sont financés à l’acte. Si on a moins de malades, on a moins de financement. Donc, on choisit de comprimer le personnel." Le problème, pour l’enseignante, c’est que les reports ont montré leurs limites, et que la priorisation doit se faire en fonction de critères de santé publique, pas en termes de rentabilité, "il y a des soins urgents qui ne rapportent pas".
Le livre blanc souligne aussi que les actes techniques ne doivent pas être les seuls à être pris en charge. Il faut aussi tenir compte du rôle humain de l’infirmière, à qui la patiente en soins palliatifs demande: "Tu peux rester 5 minutes près de moi ?".