Meurtre du policier Monjoie: Un attentat qui embarrasse le politique ?
Ouvrir les parapluies pour ne pas assumer la réalité de l’échec décisionnel qui a abouti au meurtre du policier Monjoie. C’est une analyse entendue ce mardi en commission Intérieur/Justice. Mais le criminologue Dantinne a bousculé les analyses bienveillantes.
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Publié le 07-02-2023 à 13h50 - Mis à jour le 07-02-2023 à 13h58
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Violence policière, faiblesse du partage d’informations entre services de sécurité, attaque terroriste: on a eu droit au grand écart concernant les analyses fournies ce mardi en commission Intérieur/Justice de la Chambre. Plusieurs experts se sont penchés sur l’attaque au couteau qui avait coûté la vie au policier Thomas Monjoie, le 10 novembre 2022 ; son collègue avait été aussi blessé.
Marc De Mesmaeker, commissaire général de la police fédérale, a produit une analyse sortie tout droit de 2016, dans la période postérieure aux attentats de Bruxelles. Selon une partie de son analyse, c’est un manque de communication qui pourrait expliquer le fait que l’auteur présumé de l’attaque n’a pas été privé de liberté.
Ce jour-là, en matinée, Yassine M. s’était présenté dans un commissariat d’Evere et avait clairement manifesté son intention d’attaquer des policiers. La décision du magistrat de garde s’était référée à l’attitude troublée de l’individu et ne l’avait pas privé de liberté. Le soir, il passait à l’acte…
Sept ans après les attentats de Bruxelles, on en est toujours à pointer les difficultés de partager toutes les informations entre les différents services. "Les cloisons doivent être atténuées entre les différents services," plaide De Meesmaeker.
Le directeur de l’OCAM, Gert Vercauteren, appelle à un meilleur échange au niveau des CSIL-R: des cellules locales permettant une approche multidisciplinaire sur des individus radicalisés. "Il est important que les acteurs sociopréventifs participent aux CSIL. Les profils (des terroristes) ont évolué ces dernières années. On n’a plus des commandos capables de commettre des attentats. On a des acteurs solitaires, pas des ‘loups solitaires’. Ces gens ne sont pas coupés de la réalité sociale." Et concernant les individus radicalisés et soufflant de troubles mentaux, le directeur de l’OCAM prône "un meilleur accompagnement médico-légal. Et pourquoi ne pas mettre en place des centres spécialisés dans chaque arrondissement ?"
« C’est un attentat terroriste »
"On a un individu qui est presque la caricature du radical islamiste."
Fou et/ou radical, ce Yassine M. ? Le professeur de l’ULiège, Michaël Dantinne, ramène le débat sur le nœud du problème. "Il me semble ressentir une gêne, une prudence, un embarras de qualifier ce à quoi nous avons été confrontés. Il semble clair que c’est un attentat terroriste. " Le criminologue a ainsi détaillé tous les signaux dont les magistrats et les services de police disposaient dans le dossier de Yassine M. pour estimer que le sujet n’était pas qu’un simple cas psychiatrique. "Le facteur humain est au cœur du système: pointer des erreurs, ce n’est pas pointer des fautes. personne ne peut aujourd’hui soutenir que le système a parfaitement fonctionné. Il y a eu dysfonctionnement, à tout le moins partiel." Cette analyse du dysfonctionnement n’a jamais été relevée au niveau politique, que du contraire. L’analyse de la situation était erronée car "on a un individu qui est presque la caricature du radical islamiste." Mais cela ne l’empêchait pas aussi de cocher la case psychiatrique, analyse Michaël Dantinne. " Qui a dit qu’on ne pouvait pas avoir de composant mental chez les radicaux violents ? Ça a été déposé comme si un ne pouvait empêcher l’autre: c’est une mauvaise analyse.
Il ne s’agissait pas d’une décision simple ; néanmoins on se rend compte qu’il y a eu une appréciation lacunaire. Le système a seulement besoin de quelques retouches minimes. Ici, c’est le facteur humain qu’il faut améliorer. "
Matz (Engagés) veut réentendre le ministre
Sur le banc de l’opposition, Vanessa Matz (les Engagés) prolonge en dénonçant le rapport du procureur général qui avait estimé qu’il n’y avait pas eu d’erreur dans le chef des intervenants judiciaires. "La loi sur la détention préventive pouvait être appliquée. L’appréciation que les magistrats ont eue de la situation n’est pas la bonne." Elle a d’ailleurs demandé que le ministre de la Justice soit à nouveau entendu sur ce sujet.