En Suède, une diplomatie débordée par l’extrême droite
Rasmus Paludan et Chang Frick, deux figures réactionnaires suédoises, compromettent malgré eux l’entrée de la Suède dans l’OTAN.
Publié le 03-02-2023 à 16h59 - Mis à jour le 03-02-2023 à 17h00
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Ils voulaient faire un coup médiatique contre la Turquie et en faveur de la liberté d’expression en Suède. Au final, ils auront aggravé la crise diplomatique à laquelle est confrontée la Suède depuis des mois, empêchée qu’elle est par la Turquie d’entrer dans l’OTAN, et ce au pire moment qui soit. En cause ? Un Coran brûlé par un certain Rasmus Paludan devant l’ambassade de Turquie, fin janvier. Disposant de la double nationalité suédoise et danoise, ce militant d’extrême droite est bien connu dans ces deux pays, où il carbonise régulièrement le livre saint dans des lieux fréquentés par des populations musulmanes.
En avril 2022, c’est suite à sa venue en Suède que des émeutes avaient éclaté dans divers quartiers populaires, avec à la clé une centaine de policiers blessés. Le 21 janvier dernier, c’est en marge de manifestations anti-turques en Suède que Paludan, sous escorte policière, a récidivé, provoquant l’ire d’Erdogan, furieux que le pays cautionne de tels actes.
Pieds nickelés
Pourtant, il apparaît que Rasmus Paludan aurait pu ne jamais se trouver devant l’ambassade turque au jour dit. Pour ce faire, il lui a fallu le concours de Chang Frick, sulfureux homme d’affaires et journaliste suédois, qui a dû avancer les frais (pourtant ridicules, l’équivalent d’environ 30 euros) afin que la "manifestation" de Paludan soit autorisée par l’administration suédoise.
Mais pourquoi Frick, à la tête d’un tabloïd tendance trash (Nyheteridag) et d’une entreprise énergétique aux profits dérisoires (un pour moins de l’équivalent de 13 000 euros), voulait-il aider Paludan ?
Vraisemblablement, pour soutenir le mouvement anti-turc en Suède, a expliqué le journaliste, qui a été débordé par l’ampleur de l’événement. Au point de clamer aujourd’hui qu’il était opposé à ce que Paludan brûle un Coran. Malgré la divulgation d’une conversation whatsapp où Frick essaie effectivement de convaincre Paludan de brûler un drapeau turc à la place du Coran (sic), difficile d’ignorer ce que le militant d’extrême droite allait faire. D’autant que Frick, proche des milieux d’extrême droite, est un ancien contributeur de Russia Today et n’a jamais caché sa sympathie pour Poutine par le passé… de quoi alimenter le doute sur ses intentions réelles. Ce dernier assure aujourd’hui aider l’Ukraine par l’entremise de sa société énergétique, Kärnkraft, qui compterait… un employé à Odessa.
Bacon
"À ceux d’entre vous qui sont musulmans (...) J’ai trop de respect pour la religion pour encourager de telles choses", a tenté de se justifier le journaliste fin janvier sur Twitter, tandis que, trois jours plus tard, Paludan s’en allait brûler un nouveau Coran devant une mosquée de Copenhague.
Côté suédois, cette semaine, le ministre des Affaires Étrangères a martelé que son pays ne ferait aucun compromis sur la liberté d’expression, estimant que le deal avec la Turquie pour entrer dans l’OTAN ne porte que sur l’expulsion de Suède d’opposants politiques kurdes réclamés par la Turquie.
Ce vendredi, Rasmus Padulan avait, lui, avait prévu de manifester devant l’ambassade turque à Copenhague, muni d’un Coran dans lequel il avait glissé une tranche de bacon. Il a dû être évacué avant que la situation ne dégénère.