« Thorgal Saga », ou le crépuscule du Viking

Robin Recht inaugure une collection de one-shots consacrés à Thorgal. Et en fait un vieillard, veuf et un peu désespéré.

Depuis 2010, l’univers de Thorgal, un personnage iconique de la BD franco-belge créé dans les années 70 par jean Van Hamme, s’était démultiplié à travers plusieurs séries parallèles, certaines consacrées à des protagonistes de la franchise ( Kriss de Valnor, Louve), une autre à l’enfance du héros ( La jeunesse de Thorgal).

Avec Thorgal Saga, les éditions du Lombard franchissent une nouvelle étape et offrent aux auteurs intéressés la possibilité de développer un album autour de l’univers de Thorgal. Et c’est Robin Recht ( Elric, Conan) qui ouvre le bal avec Adieu Aaricia, un one-shot dans lequel il jongle habilement avec le temps… et les repères des fans.

« Thorgal Saga », ou le crépuscule du Viking
©Le Lombard

Car ce n’est pas un Thorgal… mais deux qu’il convie ici. Un Thorgal d’abord vieilli et qui, au crépuscule de sa vie, doit accompagner sa belle Aaricia, morte de vieillesse, dans son ultime voyage. Un deuil impossible pour le désormais septuagénaire, d’autant que son vieil ennemi, le serpent Nidhogg (symbole du mal absolu dans la mythologie nordique, déjà aperçu dans La gardienne des clés et L’enfant des étoiles), lui offre une opportunité inattendue: revoir, grâce aux pouvoirs temporels de l’anneau d’Ouroboros, son épouse adorée.

Cédant à la tentation, tel Adam croquant dans la pomme, Thorgal se retrouve projeté… dans sa propre enfance, confronté à son double, fougueux et juvénile, lequel le confronte à sa soudaine fragilité: "Cette fragilité me tenait à cœur", insiste Robin Recht, qui a initié le projet fin 2019 et s’est inspiré d’un aphorisme de Terry Pratchett: "Dans chaque vieux, il y a un enfant qui se demande ce qui s’est passé".

Rallumer la flamme

"Plus le temps passe, plus on est conscient du tragique de l’existence, reprend-il. Au contraire de jeunes qui sont tournés vers une modernité optimiste. Il y avait cette opposition au sein du même personnage à deux moments de sa vie, où l’un accepte le réel tel qu’il est, tandis que l’autre se révolte. Du coup, le jeune Thorgal rallume la flamme chez le vieux."

« Thorgal Saga », ou le crépuscule du Viking
©Le Lombard

C’est finalement la notion même de destin que l’auteur bourguignon de 48 ans triture au fil d’un récit qui renoue avec les grandes heures de la saga, tant sur le plan graphique (pour lequel il a bénéficié de l’expertise de Rosinski) que narratif. Oubliés, les atermoiements récents de la série "classique", aussi grâce à l’épaisse pagination – plus de 100 pages – de l’album: "On est vite passé de 70 à 106 pages, et cela m’a permis de m’attarder sur un échange de regards, ou un paysage. Autant de choses que Rosinski, bloqué par les standards de pagination, ne pouvait pas trop se permettre."

« Adieu Aaricia », Recht, Le Lombard, 112 p., 21.50 €.

Vous êtes hors-ligne
Connexion rétablie...