Lâcher de faisans, nourrissage du gibier: tir à vue sur certaines pratiques de chasse
Des chasseurs souhaitent interdire certaines pratiques répandues, comme le lâcher de faisans et le nourrissage des sangliers.
Publié le 26-01-2023 à 06h00 - Mis à jour le 26-01-2023 à 14h51
D’habitude, ce sont les associations ornithologiques, naturalistes, qui sont à l’affût pour dénoncer les "dérives" de la chasse: tir d’espèces en déclin comme la perdrix grise ou la sarcelle d’hiver, nourrissage du gibier, lâcher d’oiseaux d’élevage ou appropriation de la forêt. Cette fois, et c’est assez rare pour être souligné, ce sont des chasseurs qui montent au créneau contre certaines pratiques controversées.
Interdire le lâcher d’oiseaux
Dans un courrier adressé au ministre Borsus, une quarantaine de personnalités, liées au monde agricole ou forestier, expriment ce qu’ils appellent "une autre voix" des chasseurs, à l’accent nettement environnementaliste. Ils se démarquent de la "voix officielle", portée par le Royal Saint Hubert Club, l’organe représentatif majoritaire.
Ce qu’ils demandent ? Tout d’abord l’interdiction du "lâcher massif" d’oiseaux de tir, faisans, canards, perdrix. Une pratique qui "s’est avérée plus répandue que ce qu’on pouvait imaginer", disent-ils. Elle "devrait être interdite au plus vite", hors des lâchers de repeuplement "strictement encadrés." Car "l’assimilation de la chasse à une activité de tir sur cibles vivantes est très dommageable à l’image de cette dernière".
"Certains chasseurs ont bien compris la mauvaise image que cela donne de la chasse. Ils estiment que cela nous est préjudiciable, alors qu’on ne pratique pas ce genre de choses. Il y a une autre façon de fonctionner", explique Juan de Hemptinne, propriétaire foncier et signataire du courrier. Avec près de 20 000 détenteurs du permis de chasse, et encore 500 candidats aux examens cette année, la chasse est un loisir de plus en plus prisé.
Le faux nez du nourrissage
Même opposition envers le nourrissage hivernal du gibier, sangliers en particulier. Le cabinet du ministre Borsus prépare, en ce moment, des mesures pour réduire la population de sangliers mais aussi une législation sur le nourrissage. Le débat est donc ouvert.
Le nourrissage dissuasif (utilisé pour empêcher les dégâts aux cultures, ndlr), "sert de faux nez à des pratiques qui ont pour seul but de maintenir des densités de gibier allant bien au-delà de la capacité naturelle d’accueil du milieu", dénoncent les signataires qui, propriétaires terriens ou forestiers, subissent les dégâts du gros gibier surnuméraire. Ils s’opposent en quelque sorte à des chasseurs qui, simples actionnaires d’une parcelle, viseraient surtout à maximiser leurs tableaux de chasse.
Les chasseurs qui refusent la pratique du nourrissage jugent dès lors inique la loi de 1961 qui oblige les propriétaires des bois à indemniser les dégâts causés aux cultures par le gros gibier. En cela, ils partagent l’opinion du Royal Saint-Hubert, qui voudrait également que, comme en Flandre, cette législation soit supprimée quand, de plus en plus, c’est au sein même des milieux agricoles que les sangliers trouvent refuge.
Différence: les signataires du courrier sont favorables, eux, à une interdiction totale du nourrissage du 1er octobre au 31 mars, période moins cruciale pour l’agriculture. Ils demandent aussi, quand les plans de tirs des grands cerfs ne sont pas respectés, des sanctions plus équitables que les seules amendes financières dont les plus nantis n’ont aucun mal à s’acquitter. "Il faut toucher à la gâchette", plaide Juan de Hemptinne. En interdisant par exemple le tir du cerf l’année suivante.
Les chasseurs, « vigiles de la nature »

La question du lâcher de dizaines de milliers de faisans ou de canards d’élevage a soulevé une polémique en lien avec l’extension de la grippe aviaire. En septembre 2022 à Clavier: 8 000 carcasses retrouvées sur 15 000 oiseaux lâchés. À Frasnes-lez-Anvaing en octobre: 1 000 carcasses sur 2 000 faisans lâchés. À Soignies en novembre: 600 carcasses sur 5 500 oiseaux lâchés. "Il ne faut pas laisser croire que ce sont les faisans qui ont amené le virus", réplique Benoît Petit, le président du Royal Saint-Hubert Club. "On peut observer que la source de ce qui est une pandémie, ce ne sont pas les oiseaux que nous élevons, mais les bernaches et les oiseaux sauvages." En France, dit-il, ce sont 20 millions de volailles qui ont dû être abattues. En Flandre, où la pratique du lâcher d’oiseaux est interdite, ce sont 500 000. Preuve que le lien avec les lâchers n’est pas établi. C’est la position défendue par le ministre Borsus au Parlement wallon. "En Wallonie, c’est l’excellente gestion qui fait qu’on a bien limité la maladie, grâce à l’attitude des chasseurs qui ont joué leur rôle de vigile sanitaire", plaide Benoît Petit. Il défend ce qu’il appelle des lâchers "de repeuplement". Parce que, dit-il, la disparition du biotope, l’usage de pesticides, la mécanisation de l’agriculture, la prédation des renards et des rapaces qu’on ne peut chasser, tout cela "contraint" les chasseurs à réintroduire dans le milieu faisans et perdrix qui en disparaissent.