Olivier de Wasseige: "Nous attendons encore des réformes pour 2023"
Indexation, facture énergétique: 2023 ne sera pas de tout repos pour les entreprises wallonnes. Pour répondre à ces défis, Olivier de Wasseige (UWE) demande une implication du politique.
Publié le 23-01-2023 à 06h00 - Mis à jour le 23-01-2023 à 13h21
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Olivier de Wasseige, en octobre dernier, l’Union wallonne des entreprises présentait son pire point conjoncturel depuis le début des années 2000. Vous êtes un peu moins pessimiste aujourd’hui, à l’heure d’entamer cette année 2023?
Je serais en effet un peu plus optimiste en insistant sur la résilience de nos entreprises, qui sont parvenues à rebondir face aux crises successives. Tous les jours, je vois des entrepreneurs qui innovent et engagent du personnel. Même durant les années plus difficiles, la création nette d’emplois reste positive. En Wallonie, 721.000 personnes travaillent dans le secteur privé. Les bonnes nouvelles viennent donc aussi des entreprises. Mais je ne suis pas naïf, 2023 s’annonce évidemment compliquée. Les PME éprouvent de plus en plus de difficultés à assumer les coûts de l’énergie, des matières premières et de l’indexation.
Dans ses prévisions, le Bureau du Plan s’attend à une inflation annuelle de 5,3%, soit nettement moins qu’en 2022. L’indexation des salaires sera donc plus mesurée cette année. Ne s’agit-il pas d’un élément rassurant pour les patrons?
Pas du tout, puisqu’on ajoute encore une couche ! Je rappelle que l’indexation automatique des salaires est une exception dans le paysage européen qui ne concerne que la Belgique, le Luxembourg, Malte et Chypre. Augmenter les salaires revient à accentuer le handicap de compétitivité que nous avons déjà avec les pays voisins.
Il faudrait faire une croix sur l’indexation automatique pour soulager les entreprises?
Ce n’est pas ce que nous disons à l’Union wallonne. Nous sommes d’ailleurs bien conscients des difficultés que vivent les citoyens, au quotidien. Nous pensons qu’il faut tenir compte du pouvoir d’achat des salaires les plus bas.
En accordant l’indexation automatique uniquement aux bas salaires ?
Pourquoi pas, de manière temporaire. Mais de façon plus structurelle, l’idée serait plutôt d’augmenter les salaires nets les plus bas, sans accroître le coût patronal. Cela peut se faire grâce à la fiscalité. Je pense que la future réforme fiscale du fédéral devra mettre le focus sur les bas salaires. Cette revalorisation permettrait également de réduire le différentiel entre travail et chômage. Un travailleur doit mieux gagner sa vie qu’un allocataire social. Quel est l’intérêt de se lever le matin si c’est pour gagner 50 euros de plus ?
L’autre grande préoccupation de 2023 sera la facture énergétique qui plombe les finances des entreprises.
C’est tout simplement catastrophique! Nos PME sont en train de ramer et ce qui est particulièrement inquiétant, c’est que les analystes estiment que les prix vont rester très élevés. Il faut donc tout faire pour réduire la facture des entreprises et continuer à les soutenir, notamment en matière de transition.
Cela dit, elles n’ont pas attendu la crise actuelle pour réduire leurs émissions et augmenter leur efficacité énergétique. Les sociétés wallonnes continuent leurs efforts et doivent être accompagnées dans ce processus. À cet égard, je rappellerais que l’Union wallonne est force de proposition, sur le banc patronal, pour atteindre les objectifs européens. L’UE nous donne une feuille de route, qu’il va néanmoins falloir combiner avec la réalité de terrain...
Face à ces défis de taille, le citoyen doit-il craindre de perdre son emploi?
Le message ne peut pas être complètement rassurant. Les pertes d’emplois seront peut-être supérieures à la rotation annuelle classique… mais il est compliqué d’être plus précis, pour le moment. Pour rassurer les collaborateurs, je dirais que les entreprises n’aiment pas se séparer d’une personne qui convient au poste. Une société investit sur son salarié, en matière de formation par exemple. Le marché est également assez tendu et les difficultés de recrutement sont bien réelles. Malgré les problématiques d’indexation et de factures énergétiques, les entreprises évitent aujourd’hui les désengagements et préfèrent souvent aller puiser dans leurs réserves ou reporter certains investissements.
Ce qui peut également rassurer les jeunes comme les personnes qui changent d’orientation professionnelle, c’est que les emplois vacants sont nombreux en Wallonie...
Il y a en effet 41900 emplois vacants, tous secteurs confondus. Contrairement aux idées reçues, on ne recherche pas uniquement des ingénieurs ou des informaticiens. Les offres d’emploi concernent aussi les maçons, les chauffagistes, les conducteurs de camions ou les bouchers. La Wallonie compte désormais 141 métiers en pénurie, un nombre en augmention.
Les pénuries… encore une source d’inquiétude pour les patrons?
Ce qui freine le plus les entrepreneurs, c’est clairement le marché de l’emploi. D’autant que l’inadéquation entre l’offre et la demande est de plus en plus importante. Par ailleurs, il est impératif de réfléchir à la formation et l’orientation des jeunes. On critique souvent le Forem, mais ce n’est pas le seul responsable. Il y a aussi toute la chaîne en amont. L’une des priorités, c’est de faire des filières techniques et professionnelles, mais aussi de l’alternance, de véritables filières d’excellence et non de relégation. L’orientation vers les filières porteuses comme les STEM (NDLR : science, technologie, ingénierie, mathématiques) pose également question. Le nombre d’étudiants qui sortent de ces filières en Fédération Wallonie-Bruxelles (16%) est d’ailleurs nettement inférieur à la moyenne européenne (25%). C’est problématique...
Avez-vous un message particulier à adresser aux politiques?
En Wallonie, nous avons tout pour réussir: des entreprises connues mondialement, des collaborateurs compétents, des universités réputées, mais aussi un territoire bien situé où il reste de l’espace. Nous avons du potentiel, nous pouvons faire un certain nombre de choses en Wallonie, et nous demandons aux politiques et aux gouvernements d’aller dans ce sens-là. Alors que nous entrons dans une année préélectorale, nous aimerions voir certains gros dossiers aboutir. Je pense à la réforme fiscale mais aussi à d’autres dossiers wallons liés à la formation professionnelle, au permis d’environnement, etc. Or, on a parfois l’impression que les politiques se soucient déjà plus des élections à venir que des chantiers en cours...