« Le monde sans fin », le long-seller qui explose tous les codes
En 2022, la BD la plus vendue aura été " Le monde sans fin ", un… essai évoquant les crises énergétique et climatique. Un phénomène éditorial qui pourrait bien faire des petits.
Publié le 23-01-2023 à 10h33 - Mis à jour le 23-01-2023 à 10h34
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Chez Dargaud comme chez tous les autres éditeurs existent des "best-sellers". Là-bas, ils s’appellent Blake et Mortimer, Lucky Luke ou encore Les vieux fourneaux, des séries dont chaque nouveau titre s’écoule aux alentours de 400 000 exemplaires. En 2022, pourtant, tous ceux-là ont dû s’avouer vaincus devant un titre météorite, au succès aussi fulgurant qu’inattendu, et vendu à… 600 000 exemplaires. De quoi en faire l’album le plus vendu de l’année, rien de moins.
Son titre ? Le monde sans fin. Un phénomène éditorial qui traite, en le vulgarisant, les questions du changement climatique et de la transition énergétique. Un ouvrage que l’on doit à Christophe Blain ( Quai d’Orsay) et à l’ingénieur français Jean-Marc Jancovici (le "père" de la notion de "bilan carbone") et qui a déjà bénéficié de 22 réimpressions depuis sa sortie, en octobre 2021.
Au total, ce sont actuellement 750 000 exemplaires qui ont déjà été vendus. Sans qu’on sache si la source va se tarir un jour: "C’est ce qu’on appelle un ‘‘long-seller’’, rapporte François Le Bescond, directeur éditorial chez Dargaud. C’est-à-dire qu’il se vend régulièrement dans la durée – on a même encore vu des pics étonnants fin 2022, au moment des fêtes –. Et franchement, je serais bien présomptueux de vous dire si on va encore en vendre et combien."
Plusieurs facteurs sont là, bien sûr, pour expliquer le phénomène: "Déjà, estime encore François Le Bescond, il faut dire que les auteurs ont fait un super-boulot. Ensuite, ce livre traite, avec humour et une vraie capacité de vulgarisations, des sujets qui sont devenus incontournables: l’énergie et le climat. À ce titre, l’actualité a joué et joue toujours en notre faveur, si bien que c’était sans doute le bon bouquin au bon moment. "
Dargaud saboté par des activistes
L’ouvrage a d’ailleurs beaucoup circulé en entreprises ou dans les collectivités: "On s’est rendu compte, analyse le directeur éditorial de Dargaud, que c’était au moins autant un livre offert que vendu ". Dans un registre similaire, Le droit du sol d’Étienne Davodeau, paru chez Futuropolis en octobre 2021 et qui traite de la question des déchets nucléaires, s’est écoulé à 150 000 exemplaires, pour déjà cinq réimpressions.
Ces succès viennent en tout cas prouver, que la bande dessinée a désormais un rôle à jouer dans le débat public et d’opinion. Chose qui ne plaît d’ailleurs pas à tout le monde, en témoigne cette action menée fin décembre par des activistes qui ont tenté de placer, dans les exemplaires d’une énième réédition du Monde sans fin, des tracts accusant Jean-Marc Jancovici, qualifié d’"incompétent en sciences sociales", de faire la promotion du nucléaire au profit d’"entreprises influentes".
"Des libraires nous ont vite fait remonter l’info, se souvient François Le Bescond. La manière dont ça s’est fait n’est, bien sûr, pas admissible, mais il est très sain que ce type de livres puisse nourrir débats et échanges d’idées." Et ça ne fait sans doute que commencer.