La filière aquacole wallonne entre deux eaux
La Wallonie produit une partie infime du poisson qui y est consommé. La filière aquacole a des opportunités à saisir mais doit évoluer.
Publié le 23-01-2023 à 18h51 - Mis à jour le 24-01-2023 à 14h23
Les Wallons aiment le poisson mais la Wallonie manque de pisciculteurs pour leur en fournir. En une trentaine d’années, la filière aquacole a perdu plus de la moitié de ses producteurs de poissons et la moyenne d’âge des quarante qui sont encore en activité est de plus de 65 ans. Seulement trois ont moins de 40 ans…
L’absence d’une nouvelle génération de pisciculteurs est "un énorme frein" pour la filière, note Bertrand Hoc, chargé de mission aquaculture au Collège des Producteurs, structure qui joue le rôle d’interface entre les producteurs, les pouvoirs publics et les acteurs des filières. Au contraire d’autres filières, l’aquaculture manque de visibilité, dit Bertrand Hoc. Des vaches, on en voit dans les prés, les poissons, on ne les voit pas. "Du coup, les jeunes ne s’y intéressent pas", note-t-il, pointant également l’absence de formation professionnelle. "Il faudrait attirer les jeunes via un stage professionnalisant ou un travail de fin d’études."
Dans ce contexte, Olivier Mathonet reconnaît que les pisciculteurs se posent pas mal de question sur l’avenir du métier. Éleveur de truites arc-en-ciel à Ligneuville (Malmedy) depuis 2004, il estime que cet avenir passera notamment par des collaborations accrues entre pisciculteurs au niveau de la transformation des produits. Vu les volumes produits par les uns et les autres, mutualiser le matériel, et donc les coûts, a du sens, dit-il. Faire plus en commun aurait aussi l’avantage de donner une meilleure image, ou du moins une image unique, à la truite wallonne.
La filière travaille d’ailleurs à un label de qualité différenciée qu’elle pourrait proposer à la grande distribution. "Au lieu que ce soit les enseignes qui nous imposent certains paramètres de production, c’est nous qui viendrions expliquer la manière dont on travaille et imposer certains critères. Car qui mieux qu’un pisciculteur peut dire comment élever une truite ?"
Le moment est sans doute opportun pour s’organiser de la sorte puisque, peu à peu, la grande distribution se tourne vers les pisciculteurs locaux. Aujourd’hui, l’essentiel des truites vendues en Belgique est importé de pays comme la Norvège, le Danemark, la France ou la Turquie à des prix de vente moyens de 30% inférieurs à la truite wallonne. Et même 76% des truites vendues en Wallonie viennent de l’étranger et ne sont "retrempées" chez nous que quelques jours avant d’être abattues. Mais le coût de l’énergie (donc du transport) pourrait rebattre les cartes, surtout pour le poisson vivant quand on sait qu’il faut 20 tonnes d’eau pour acheminer 5 tonnes de poissons.
"Pour survivre, il faut augmenter le volume de ventes vers la grande distribution", juge Olivier Mathonet qui écoule chaque année une centaine de tonnes de truites via les grossistes horeca, les boutiques du terroir ou la vente directe, mais encore trop peu dans la grande distribution.
Le travail en cours sur la visibilité ne suffira cependant pas pour augmenter les volumes de ventes de truites labellisées wallonnes. Il faudra aussi travailler sur la disponibilité. Le plan stratégique 2021-2030 de l’aquaculture wallonne validé par le gouvernement devra aider à y parvenir. Fort de 8,95 millions, il vise à soutenir l’élevage, la transformation et la commercialisation, mais aussi à faciliter les investissements et la formation qui doivent permettre de développer la filière. Le projet d’une écloserie coopérative à Gérouville est également à l’étude et permettrait de fournir des alevins et truitelles aux pisciculteurs wallons. "On doit retrouver l’essence de notre métier qui est d’avoir du poisson pour l’élever nous-mêmes", Conclut Olivier Mathonet.