Chars allemands en Ukraine : cacophonie à tous les étages
La Pologne a annoncé que même sans accord de l’Allemagne, elle délivrerait des chars à l’Ukraine.
Publié le 23-01-2023 à 20h17 - Mis à jour le 23-01-2023 à 20h18
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Vous avez dit cacophonie ? Alors qu’aucun accord n’avait abouti vendredi passé entre pays alliés pour fournir à l’Ukraine les tanks que le pays réclame désespérément, la ministre des Affaire Étrangères allemande Annalena Baerbock a admis dimanche que si la Pologne, qui dispose de chars de conception allemande (une quinzaine), en faisait la demande, son pays ne s’opposerait pas à ce que ceux-ci soient exportés en Ukraine. La Pologne n’a pas manqué de sauter sur l’occasion...
Blocus
Pour rappel, l’Allemagne dispose des licences d’exportation sur ses chars et peut donc, en théorie, bloquer le processus, ce que le pays s’est plus ou moins employé à faire jusqu’ici.
C’est que, en dépit de ce qu’en dit madame Baerbock, c’est bien à la chancellerie allemande qu’il revient d’avaliser ou non l’exportation des fameux Leopards II. Ce lundi, le chancelier allemand Olaf Scholz est d’ailleurs demeuré passablement silencieux, alors que, la veille (dimanche), le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki étrillait l’attitude allemande et annonçait que la Pologne n’attendrait de toute façon pas le consentement allemand pour livrer les chars : " L’attitude de l’Allemagne est inacceptable ", a tancé ce dernier auprès de l’agence polonaise PAP. "Cela fait presque un an depuis le début de la guerre. Des innocents meurent chaque jour (...). De quoi d’autre l’Allemagne a-t-elle besoin pour ouvrir les yeux et commencer à exploiter le potentiel de l’État allemand? De plus, ils n’ont pas besoin d’activer 100% de leurs ressources. 30% suffisent. Même 10 %. ce serait un progrès."
Crainte d’engrenage
En réalité, l’Allemagne, mais aussi la France, craignent sincèrement qu’une telle livraison d’armes lourdes, offensives, ne déclenche une escalade irréversible dans le conflit. "Il faut faire attention à ce qu’on fait", a dit, en substance, le ministre allemand de la Défense Boris Pistorius, à la télévision allemande ce dimanche, pointant la "responsabilité" de son pays, alors que 2000 de ses Léopards II sont disséminés en Europe.
Concernant la Pologne, le choix est déjà acté, que l’Allemagne soit d’accord ou non. "Nous allons construire une ‘coalition plus petite’ de pays prêts à donner une partie de leur équipement moderne, des chars modernes à l’Ukraine combattante", a déclaré dimanche le Premier ministre polonais, ajoutant que "la décision de soutenir l’armée ukrainienne est justifiée politiquement et moralement. J’espère que les Allemands comprendront cela le plus tôt possible", ajoutait-il dimanche, alors que la France réfléchit à délivrer à l’Ukraine quelques-uns de ses puissants chars "Leclerc".
Quant aux États-Unis, qui jusqu’ici n’ont pas ménagé leurs efforts pour armer l’Ukraine, la question des tanks embarrasse visiblement. " Je n’ai pas d’annonce à faire sur les M1 (NDLR : les chars américains), et vous avez entendu le... le ministre allemand de la Défense dire qu’ils n’ont pas pris de décision sur les Léopards, donc… " s’est embrouillé le secrétaire d’État américain à la Défense Lloyd Austin vendredi passé, tout en reconnaissant que, d’une façon ou d’une autre, des chars occidentaux finiraient tôt ou tard en Ukraine.
"Le Royaume-Uni a annoncé un don important de chars Challenger 2 (NDLR : tank britannique) pour l’Ukraine, et il s’agit de la première introduction de chars de combat principaux occidentaux en Ukraine", observait vendredi Lloyd Austin, félicitant au passage la décision britannique.