Attentats de Bruxelles : Smaïl et Ibrahim Farisi, les frères « désordre » de ce procès
Les frères Farisi sont les deux accusés comparaissant libres à ce procès. Smaïl et Ibrahim se comportent souvent comme les cancres de la classe. Endormis ou nerveux, pas concernés par leur procès, ou alcoolisés: leur attitude ne plaide pas en leur faveur.
Publié le 19-01-2023 à 17h35 - Mis à jour le 19-01-2023 à 17h49
:focal(545x401:555x391)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/76FNRBN6PZC5FEIT5U5WVRFPDY.jpg)
Les frères Farisi sont deux gars brisés. Cassés par l’addiction à l’alcool, par une vie déglinguée mais aussi par le fardeau qu’ils traînent depuis le 22 mars 2016.
Au procès des attentats de Bruxelles, ils ne sont pas victimes mais bien accusés comparaissant libres. Innocents ? Eux ne cessent de le clamer, généralement de manière très maladroite. Ce jeudi 19 janvier, le témoignage d’une enquêtrice de la PJF les a plongés dans le bain de ce procès, de leur procès.
Si Smaïl et Ibrahim se retrouvent devant cette cour d’assises, c’est en raison d’un appartement que Smaïl, l’aîné des frères et âgé de 38 ans, a prêté aux frères El Bakraoui (terroristes du métro et de l’aéroport) ainsi qu’à Osama Krayem (qui aurait dû se faire exploser dans le métro). "Ça devait durer deux ou trois jours, cet appart’prêté, avait dit Smaïl lors de son audition en tant que témoin au procès des attentats de Paris. Ça a duré une éternité…" Lors de son passage à la barre du procès parisien, le 10 mars 2022, Smaïl avait laissé une impression de désordre. Il s’y était décrit comme un ancien ivrogne qui buvait pour l’ivresse. D’emblée, ses propos étaient apparus peu cohérents, clamant son innocence alors qu’il était invité comme témoin.
« Médocs ou alcool: le coktail fou »
Les deux frères restent portés sur la bouteille. Et cela nuit à leur tenue au cours de cette cour d’assises. Le matin du 12 janvier, Smaïl, un peu groggy, avait déclaré boire deux bières le matin avant de venir au procès. "C’est les médocs ou l’alcool. Le cocktail est fou."
Généralement, Smaïl pionce, le front reposé sur ses deux mains jointes, il ferme les yeux et semble absent de ce procès.
S’il comparaît libre, il n’en reste pas moins poursuivi pour participation aux activités d’un groupe terroriste, d’assassinats terroristes sur 32 personnes et de tentatives d’assassinat terroriste sur 695 personnes. Pas une mince affaire… Smaïl n’enlève jamais sa veste, prend rarement des notes et donne l’impression d’être en permanence sur le départ. Un peu comme lorsqu’on va saluer un proche et qu’on dit ‘je ne reste pas’. À la présidente qui suggère une pause de midi de 1 h 30, il répond: "Une heure de pause, ça suffit ".
Ce jeudi, l’aîné des Farisi a été évacué de la salle par la police. Smaïl était soudainement sorti de sa léthargie puisqu’on évoquait l’appartement qu’il avait prêté aux terroristes. Dans le procès Paris bis (jugé en correctionnel à Bruxelles pour des faits annexes aux attentats de Paris), Smaïl a été acquitté pour l’aide apportée aux terroristes. "I l a le sentiment d’être jugé une deuxième fois pour la même chose," excuse son avocat Michel Degrève qui se dit "convaincu de son innocence".
« Je suis homosexuel… »
Les islamistes radicaux et lui, ça fait deux mondes, s’emporte l’accusé: "je suis homosexuel, c’est pas possible tout ça. On va crever dans cette salle. " À Raqqa, les membres de Daech n’hésitaient pas à balancer les homosexuels depuis les toits des immeubles…
Les deux frères s’étaient déjà emportés lorsque les photos des corps de Zaventem avaient été projetées. Ibrahim avait interpellé la présidente: "Madame la présidente, je ne voudrais pas assister aux photos. Je n’ai pas de point d’assassinat. Il faut bien le faire comprendre aux jurés et aux parties civiles." Le cadet des frangins risque moins: il ne doit répondre "que" que de participation aux activités d’un groupe terroriste. Il se retrouve dans ce procès pour avoir vidé l’appartement de son frère après les attentats de Bruxelles. "C’est dur pour lui de penser qu’il est traité de la même manière que des gars dans le box, justifie son avocat Édouard Huysmans. Grosso modo, il est là parce qu’il a déménagé un appartement". L’ancien taximan a d’ailleurs été privé de liberté pendant plus de 6 mois "au même titre que les autres du box. Il était détenu en isolement et ça peut rendre dingue."
Ibrahim s’ennuie à son procès
Ibrahim semble cependant plus concerné que son frère par le procès: il prend des notes, vient chaque jour accompagné de l’épais acte d’accusation. Mais il ne tient pas en place et peut se montrer impulsif: il tente souvent de prendre la parole de manière intempestive, réagit à chaud. L’accusé a deux visages: derrière son masque buccal noir, il peut à la fois être concentré ou quitter soudainement la salle d’audience. Convaincu que ce procès ne le concerne pas, il tente de se distancer de cette procédure sans convaincre. Il s’énerve après avoir fait l’objet d’une remarque quand il ouvre un sachet de chips à l’audience de mardi. Ou le même jour après-midi, il étale le journal sur sa table. La présidente le rappelle à l’ordre et il répond: "Quelque part je m’ennuie ". La présidente manque de tomber de sa chaise: "vous vous ennuyez à votre propre procès ?"
Sauver la face
En seconde ligne, ce sont leurs avocats qui tentent de jouer à la nounou et les rappellent à l’ordre avec plus ou moins de fermeté. Car, en face d’eux, les jurés ne manquent rien de l’attitude des frères Farisi. Ils ne seront pas jugés sur leur assiduité à suivre le procès ou sur leurs écarts de comportement mais ils peinent vraiment à susciter une forme d’empathie. Ce qui est bien loin de l’attitude des trois accusés comparaissant libres au procès des attentats de Paris: leurs témoignages avaient réellement ému les différentes parties, y compris les parties civiles. À Bruxelles, les frères Farisi auront aussi la parole et une importante carte à jouer. À eux de corriger leur image d’ici-là pour se donner des chances de s’en sortir et lâcher ce boulet qu’il traîne depuis leur arrestation le 11 avril 2016.