Procès des attentats | Métro: Itinéraire d’un « paisible » terroriste
Le parcours du terroriste du métro est glacial tant il ressemble à celui d’un autre voyageur. Mais Khalid El Bakraoui était déterminé comme le montrent les images vidéo.
Publié le 18-01-2023 à 13h51 - Mis à jour le 18-01-2023 à 18h12
Ses lunettes noires lui donnaient un air d’étudiant ; son imposant sac à dos: un côté voyageur. Sa tenue vestimentaire est celle de n’importe quel adulte de 27 ans: jeans, blouson, baskets. Ce matin du 22 mars 2016, dans le métro, personne n’a vraiment prêté attention à Khalid El Bakraoui. Le gars qui s’est fait exploser dans la station Maelbeek à 9 h 10 n’avait aucunement la mine d’un barbu radicalisé dont on préfère éviter de croiser le regard.
Les images de vidéosurveillance retracent parfaitement la trajectoire de ce voyageur lambda mais dont les apparences cachaient un terroriste déterminé. Son parcours au sein du métro a été retracé, ce mercredi, par les chefs d’enquête de l’attaque du Maelbeek.
Il voulait « le sac le plus grand possible »
C’est en compagnie d’Osama Krayem qu’il arrive peu avant 8 h 50 à la station Pétillon. Khalid El Bakraoui achète son billet au guichet automatique à l’extérieur de la station. Osama Krayem, porteur d’un sac à dos identique le rejoint dans la foulée. L’enquête démontrera que ces deux sacs à dos avaient été achetés la veille à 16 h 50 par Krayem dans un Sports Direct du shopping City2. Le vendeur s’était souvenu qu’il cherchait "le sac le plus grand possible. " Il était ainsi retourné avec deux sacs à dos d’une capacité de 65 litres, un volume suffisant pour y placer leurs engins explosifs.
Devant la station Pétillon, les deux hommes échangent encore quelques mots, sans véritable prise de tête. Krayem n’ira pas plus loin mais Khalid El Bakraoui ne tente pas de persuader son complice de l’accompagner dans le métro. Peut-être en avait-il déjà discuté lors de leur trajet à pied…
Les caméras filment alors El Bakraoui - dont le frère, Ibrahim, vient de se faire exploser à Zaventem une heure plus tôt. Il prend le métro en direction du terminus Hermann Debroux, soit à l’opposé du centre-ville. El Bakraoui ne semble pas agité, il se tient debout: son sac à dos ne lui permet pas de prendre place sur une banquette. Autour de lui, une dame pianote sur son smartphone sans lui adresser un regard. Arrivé à la station Beaulieu, il décide de faire demi-tour et sort du métro pour se poster sur le quai opposé.
Il reprend alors le métro en direction d’Érasme. Trois seniors, souriants et de bonne humeur, se postent devant lui et papotent. Le terroriste ne semble pas en transe, n’a pas de mimique nerveuse. De temps en temps, il remonte les sangles du sac qui semble peser sur ses épaules.
Il va dans une voiture plus peuplée
Les stations défilent jusqu’à Maelbeek. Alors qu’il était dans la troisième voiture, il profite de l’arrêt pour s’engouffrer dans la seconde. Pourquoi ? "On a essayé de comprendre ce changement de voiture, explique le chef d’enquête. Sur base des images, on a compté le nombre de personnes. Il devait y en avoir 55 dans la troisième voiture et 75 dans celle qui a explosé." Quelques secondes après, l’image de surveillance du quai du métro Maelbeek est saisie d’un flash violent. Khalid El Bakraoui vient de se faire exploser…
Sur base de son corps démembré, le 22 mars vers 21 h 30, les enquêteurs sont en mesure d’associer une photo au terroriste dont la tête a fini sous une poubelle… Quelques heures plus tard, "on obtient une première identification sur base des traces dactylographiques."
Les enquêteurs collaborent alors avec la STIB pour remonter le cheminement du terroriste au sein du réseau de métro. C’est ainsi que la station de départ, Pétillon, est identifiée.
Le début de « la chasse à la bombe »
Et là, c’est l’effroi: on constate qu’il y avait un deuxième homme porteur du même sac que Khalid El Bakraoui. "C’est alors que commence la chasse à l’homme. Ou plutôt la chasse à la bombe car on suppose que son sac contient la même chose."
En analysant minutieusement les caméras du quartier, les enquêteurs perdront la trace du suspect (Osama Krayem) du côté du quartier de la Chasse.
Le 24 mars, on identifie des traces ADN lui appartenant dans l’appartement conspiratif de la rue Max Roos. Ces infos sont alors croisées avec le dossier des attentats de Paris: on remonte alors une filière de "faux" réfugiés venus de Syrie jusqu’à identifier Osama Krayem. Sa cavale prendra fin le 8 avril lorsqu’il sera arrêté Boulevard du Midi à Bruxelles en compagnie d’Hervé Bayingana.