Procès des attentats: l’appartement était le labo des terroristes pour fabriquer les bombes
Les enquêteurs sont longuement revenus sur tout ce qui s’est tramé dans l’appartement de la rue Max Roos. C’est là que, dans une chambre, on y a fabriqué 130 kilos d’explosifs.
Publié le 17-01-2023 à 16h57 - Mis à jour le 17-01-2023 à 17h13
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C’est le 1er mars 2016 que la cellule terroriste avait entamé les multiples achats destinés à confectionner les engins explosifs. Ibrahim El Bakraoui, qui se fera exploser à Zaventem, est un des membres le plus actifs dans les emplettes. Najim Laachraoui - considéré comme l’artificier du groupe – et Osama Krayem seront aussi identifiés a posteriori lors de ces emplettes où ils utilisaient, à l’occasion, un trolley à commissions.
Les terroristes avaient leurs "petites habitudes" d’achat: au Blokker, au Brico ou au Sports Direct du shopping City2. Ces achats ont été quotidiens jusqu’à la veille des attentats. Des grands bacs en plastique, des poubelles métalliques de 30 l, des doseurs en pyrex, des grandes seringues de 50 ml, des sacs de sport…
Mais aussi les ingrédients nécessaires à la confection du TATP. À plusieurs reprises, ils se sont approvisionnés dans un brico où des dizaines de litres d’acide sulfurique ont été achetés: 35 litres une fois, 55 litres une autre fois. Le gérant d’un brico avait d’ailleurs été placé sous mandat d’arrêt pendant plusieurs semaines puis libéré sous conditions. "Concernant tous ces achats, les tickets de caisse révèlent qu‘ils sont payés comptants, explique l’enquêteur de la police fédérale. C’est un procédé classique du milieu criminel."
Ces va-et-vient s’articulaient autour de l’appartement conspiratif de la rue Max Roos à Schaerbeek. C’est de là qu’Abrini, I. El Bakraoui et Laachraoui étaient partis le matin du 22 mars 2016 vers l’aéroport. Le témoignage rapide du taximan, qui les avait convoyés, avait permis d’identifier dès le 22 mars cet appartement.
La veille des attaques, Osama Krayem avait effectué le transfert de deux bombes vers la planque de la rue des Casernes à Etterbeek. C’est de là que partira le duo destiné à attaquer le métro (Krayem et Khalid El Bakraoui).
Au dernier étage pour masquer les odeurs chimiques
Pour les enquêteurs, l’appartement Max Roos est clairement l’endroit "utilisé pour les bombes des deux sites. " Cet appartement situé au 5e et dernier étage n’avait pas été choisi au hasard. Pourquoi le dernier étage ? Parce que la fabrication des bombes dégageait une odeur pestilentielle: "une odeur forte d’ammoniac dès le matin", avait rapporté un voisin de palier.
Les membres de la cellule terroriste savaient que cette donne pouvait compromettre leurs projets. Ce n’est donc pas un hasard si Ibrahim El Bakaroui, sous une fausse identité, avait loué ce bien. Le bail avait été signé le 21 janvier 2016 et l’emménagement est estimé au 13 février. Abrini avait d’ailleurs déclaré que Laachraoui lui avait dit qu’il fallait "un appartement en hauteur vu l’émanation forte de TATP. " Ce qui fait dire aux enquêteurs que cet appartement était prévu dès janvier pour devenir le labo et la planque des terroristes.
Ils se brûlent en fabriquant le TATP
C’est le 5 mars que les terroristes, avec Laachraoui comme expert explosif, ont entamé leur travail d’apprentis chimistes. Au final, on estime qu’environ 130 kilos de TATP ont été fabriqués dans l’appartement. "Au début, ils préparaient les bombes dans la cuisine, avait expliqué Abrini aux enquêteurs. Mais c’était intenable. On a donc déménagé les affaires. " La chambre est ainsi devenue le labo et les gars avaient alors déménagé leurs matelas dans le salon. Abrini avait confessé dormir avec "un t-shirt sur le nez" en raison des fortes odeurs.
La confection de l’explosif n’était pas sans danger. Le 14 mars, Ibrahim El Bakraoui et Osama Krayem ont été brûlés au cours d’une manipulation. "Ils envoyaient des coups de seringue d’acide contenu dans les bocaux," avait rapporté Abrini. El Bakraoui s’était d’ailleurs rendu en soirée à la pharmacie de garde pour acheter des pansements et de la pommade Flamigel destinée à soigner les brûlures.
Suite à une perquisition postérieure aux attentats, le 22 mars 2016, l’appartement révélera bon nombre des secrets de la cellule (des photos révèlent la présence de plusieurs armes longues dans l’appartement). Un PC retrouvé dans une poubelle publique face à l’immeuble. avait permis de décrypter le fonctionnement de la cellule. L’analyse de ce PC et des précieux fichiers qui y figuraient fera d’ailleurs l’objet d’un développement spécifique au cours de ce procès.