Junk Foot, les dessous d’une addiction - Je mange, donc je ne suis plus
Émilie Gleason pointe du doigt la malbouffe et le sucre, ici vus comme des drogues légales et ravageuses. Provocateur… et citoyen.
Publié le 12-01-2023 à 12h00
Les dangers de l’obésité ne sont plus à prouver: il est ainsi acquis que chaque année, cette maladie, associée au diabète de type 2, tue 11 millions de personnes. L’origine du mal reste, elle, peu analysée. Avec Junk Food, les dessous d’une addiction, la dessinatrice Émilie Gleason se penche sur la question, et la chose a de quoi étonner. Révolter, aussi.
Zazou, jeune boulimique de 19 ans, se rend pour la première fois à une réunion des FA, pour "Food Addicts Anonymes". Un pendant alimentaire des Alcooliques Anonymes où se réunissant d’autres victimes de ce qu’on appelle communément la "malbouffe". Des hommes et des femmes que le phénomène a détruits, physiquement et socialement.
Du sucre dans le Coca (bonjour les dégâts)
Ces cercles de parole et de soutien existent. Ils ont été créés aux États-Unis en 1998. Après avoir découvert avec effroi les dégâts provoqués par le sucre dans un livre de Bernard Pellegrin ( Sucre: l’autre poudre), mais aussi vu ses cousins mexicains… ajouter du sucre à leur Coca, Émilie Gleason a suivi les activités de plusieurs d’entre eux. Avec cet ouvrage, conçu en collaboration avec son ami journaliste Arthur Croque, elle s’attaque plus largement aux addictions que vient générer, sur la population, l’industrie alimentaire, laquelle a mis au point un savant cocktail fait de sucre, de gras et de sel auquel… même les rats ne peuvent résister: "Serge Ahmed, le scientifique qui a mis le doigt sur l’addiction au sucre en 2007, a montré que les rats en pinçaient plus pour le sucre que pour la cocaïne", soulève Arthur Croque.
Un fumeur peut arrêter de fumer, ou un alcoolique de boire. Mais toi et moi, on ne peut pas arrêter de manger. Notre drogue, on doit la prendre trois fois par jour jusqu’à la fin des temps
Et les humains, là-dedans ? Ils subissent leur ignorance, et culpabilisent un maximum, a fortiori dans une société qui a érigé le culte de la beauté en moteur. "Ce livre, estime Émilie Gleason, 30 ans, peut servir à déculpabiliser les victimes, sur qui on rejette trop souvent la faute. Avec des McDo et des Starbucks partout dans le monde, ce régime alimentaire touche tout le monde, mais surtout les minorités et les pays en voie de développement. C’est un problème sanitaire mondial."
D’autant que, comme le dit un des intervenants du livre, "un fumeur peut arrêter de fumer, ou un alcoolique de boire. Mais un ‘‘addict’’ à la nourriture ne peut pas arrêter de s’alimenter. Notre drogue, on doit la prendre trois fois par jour jusqu’à la fin des temps".
"Peu de personnes ont conscience du potentiel addictif de la junk food. Nous sommes trop habitués à ces produits pour penser qu’ils entraînent un vrai risque de dépendance. Ça nous paraît absurde, comme les prétendus dangers du tabac semblaient absurdes en 1980, face à un public qui avait fumé toute sa vie", conclut Arthur Croque.

Casterman Gleason/Croque, 232 p., 21 €.