Témoignage d'un taximan du 22 mars 2016 : « J’ai des doutes que j’ai chargé des terroristes »
La réactivité du taximan qui a transporté les terroristes de l’aéroport a été déterminante pour l’enquête. L’histoire de cette course de taxi entre Schaerbeek et Zaventem a été racontée en détail ce mercredi. On en apprend plus sur l’attitude des terroristes quelques minutes avant les explosions.
Publié le 11-01-2023 à 13h47 - Mis à jour le 11-01-2023 à 16h45
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"Quand on conduisait, Laachraoui était tendu, comme s’il avait peur qu’on n’arrive pas à l’aéroport… " Ce témoignage est rapporté par le chauffeur de taxi qui a amené Mohamed Abrini, Ibrahim El Bakraoui et Najim Laachraoui à l’aéroport le 22 mars 2016.
Ce mercredi, le taximan n’était pas présent à l’audience du procès. Son témoignage a été rapporté par un enquêteur ou a été entendu au travers de la reconstitution qui avait été filmée.
Procès des attentats à Bruxelles: les kamikazes de planque en planque à Schaerbeek, Jette, Forest, Etterbeek puis LaekenAlors qu’il venait de déposer les trois "clients" et leurs valises encombrantes à l’aéroport, il prend en charge une autre course dans le centre de Bruxelles. "Et j’entends à la radio qu’il vient d’y avoir un attentat à l’aéroport." Il partage son inquiétude à la cliente. "J’ai dit à la dame: ‘j’ai des doutes que j’ai chargé des terroristes’."
Ne pas toucher à leurs bagages
Le taximan se rend alors dans un commissariat de police des Marolles, 30 minutes après les deux explosions à l’aéroport. Il est alors auditionné pendant une heure et raconte sa course intrigante où il avait pris en charge ces trois gars au n°4 de la rue Max Roos à Schaerbeek. Au terme d’un trajet de 9,5 km, il les avait déposés à 7 h 33 au "kiss & fly". "Les clients ont refusé l’aide du chauffeur pour charger et décharger," rapporte un enquêteur.
L’appel pour commander le taxi avait été passé au Taxi vert. Dans la bande audio, c’est apparemment Najim Laachraoui que l’on entend. "J’aimerais un taxi pour 7 heures et quart rue Max Roos 4…"
Procès des attentats: “Je sens encore les odeurs de fer, d’ammoniac, d’explosif, de chair brûlée, de chair crue”, témoigne un secouriste de MaelbeekEt de préciser calmement: "j’aimerais que ce soit une camionnette car il y a pas mal de bagages." L’opératrice répond qu’ils n’ont pas ce type de véhicule et propose un monospace. Laachraoui valide, conclut poliment et calmement: "merci beaucoup, au revoir."
La vidéo de la reconstitution de la prise en charge permet alors d’entendre le chauffeur raconter sa course. "On a parlé et ça s’est tourné vers ‘des Américains qui ont amené la violence dans le monde’." Ils évoquent les violences à l’égard des Africains, en référence probablement aux violences policières. "t’as vu ce qu’ils font aux noirs ", disent-ils au chauffeur d’origine africaine.
Abrini « ne disait rien »
Sur la banquette arrière, tout le monde ne tape pas la causette. Assis à l’arrière du taximan, Abrini, portant un chapeau "est stoïque ; il ne disait rien. "
À l’arrivée à l’aéroport, le chauffeur se souvient que Ibrahim "El Bakraoui souriait, comme s’il avait atteint son objectif."
Si les clients semblaient assez communs - ils s’étaient présentés comme "des étudiants", leurs bagages l’étaient moins: encombrant, lourds et odorants. En quittant l’aéroport, le chauffeur explique: "Je descends les vitres tellement que ça puait dans la voiture."
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Le témoignage précis et rapide du chauffeur a ainsi permis de croiser ses informations avec les images de surveillance de l’aéroport. Assez rapidement, un avis de recherche a été lancé concernant le troisième gars: l’homme au chapeau qui ne s’était pas fait exploser.
Les enquêteurs connaissaient désormais la planque d’où étaient partis les terroristes. Sur place, ils y découvriront des éléments capitaux pour la suite de l’enquête. Dont un PC regorgeant d’informations compromettantes pour les membres de la cellule terroriste.