Annie Colère [CRITIQUE] - Au service du corps des femmes
Blandine Lenoir et Laure Calamy retracent, dans un film où la joie côtoie les larmes, le combat jadis mené par le MLAC pour la légalisation de l’avortement.
Publié le 10-01-2023 à 19h52 - Mis à jour le 10-01-2023 à 19h53
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Nous sommes en février 1974. Et il fait froid à Nevers, où Annie travaille dur dans une usine de fabrication de matelas, en plus de s’occuper de son foyer. Il fait froid, aussi, dans son cœur, depuis qu’elle est tombée enceinte. Car, déjà mère de deux enfants, Annie le sait: elle ne veut pas de cette grossesse. Aussi, elle pousse la porte d’une librairie du coin où, paraît, on pourrait "l’aider".
C’est là qu’une antenne locale du MLAC a en effet pris ses quartiers. Le MLAC, c’est le Mouvement pour la Liberté de l’Avortement et de la Contraception. Une association qui, dans les années 70, avait décidé d’aider les femmes qui voulaient interrompre leur grossesse. En recourant à des avortements illégaux, certes, mais pas clandestins puisque tout, là-bas, était sécurisé, et que même des médecins participaient, en dehors de leurs heures, à ces interventions.
Accueillie, rassurée puis libérée, Annie, d’abord hésitante, va vouloir partager son expérience. Et dans son sillage, c’est toute l’histoire du MLAC que retrace, à travers ce cas particulier, Blandine Lenoir (interview ci-dessous) dans Annie Colère.
Un film, un de plus, qui vient nous rappeler ce qu’était un monde dans lequel l’avortement était interdit par la loi. Moins brutalement que L’événement d’Audrey Diwan, assurément l’un des meilleurs films de l’année 2022. Mais avec autant de vérité, et de façon résolument collective.
Pas contre les hommes
Parce que la force d’ Annie Colère est précisément de montrer comment ce combat avait su transcender les classes, notamment sociales, pour tendre vers un objectif qui n’aura été que partiellement atteint, puisque si l’acte médical a finalement intégré les pratiques hospitalières après la dépénalisation de l’avortement, la prise en charge du corps de la femme, par le biais de l’éducation tel que le préconisait et le pratiquait le MLAC, en a été totalement expurgé.
Le témoignage voulu ici par Blandine Lenoir, et porté avec un charisme fou par la décidément merveilleuse Laure Calamy ( Dix pour cent, Antoinette dans les Cévennes) à travers ce personnage parvenu à s’accomplir, est d’autant plus précieux que les droits des femmes, et plus précisément celui de recourir à l’avortement, sont de plus en plus souvent remis en question aux quatre coins du globe.
Intelligemment, et sans éviter les questions qui fâchent (par exemple celle de savoir si l’IVG peut être pratiquée par un non-médecin), la réalisatrice de 49 ans, dont c’est le troisième long-métrage, évite aussi de le construire contre les hommes. Mais les inclut au contraire dans le combat mené par Annie et les autres. Nous offrant, au bout du compte, un moment d’humanité rare, où les larmes ne coulent pas toujours par désespoir. Mais aussi par la joie de pouvoir, enfin, prendre en main sa propre destinée.
Comédie dramatique de Blandine Lenoir. Avec Laure Calamy et Zira Henrot. Durée: 2 h 00.