Procès des attentats | Transferts des détenus : entêtement et amateurisme ?
Les détenus continuent à être fouillés à nu de manière quotidienne. Certaines motivations énoncées par la police sont tout simplement fausses.
Publié le 09-01-2023 à 14h37 - Mis à jour le 09-01-2023 à 15h58
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Sur quoi reposent les motivations des fouilles à nu avec génuflexion imposées quotidiennement aux accusés de ce procès ? Alors que l’ordonnance rendue par le juge des référés concernant les conditions de transfert des accusés interdisait ces pratiques systématiques, la police fédérale en charge des transferts ne semble pas en tenir compte. Désormais, elle doit motiver quotidiennement ce qui justifie ces pratiques.
Ce lundi, les interventions des avocats Paci (pour Salah Abdeslam) et Lurquin (pour Hervé Bayingana Muhirwa) a illustré la forme d’amateurisme qui entoure ces transferts. Concernant Hervé Bayingana Muhirwa, la police aurait justifié la mise à nu avec génuflexion en raison d’une "condamnation par la cour d’assises de Paris " à 20 ans d’emprisonnement pour "tentative de meurtre ", explique son avocat. Ces justifications sont bancales ! " Et comment donner tort à l’avocat Lurquin puisque son client a un casier judicaire vierge et n’a jamais été condamné !
Mohammed Abrini, condamné pour les attentats de Paris, ironise: "Aujourd’hui, j’apprends qu’Hervé a été condamné à Paris. J’étais là, je ne l’ai pas vu".
Autre élément relevé par Delphine Paci: la police aurait justifié la fouille à nu de Salah Abdeslam en raison d’un livre trouvé dans sa cellule: "un livre sur la technique de combat en cellule ", explique son avocate qui rappelle les motivations énoncées par la police. Sauf que, après correction, il ne semble pas que Salah Abdeslam souhaite apprendre des techniques de combat, ce qui pourrait le rendre plus dangereux. Il s’agit "d’un livre traitant d’activités sportives en prison ", nuance l’avocate. "Et voilà pourquoi on veut imposer des traitements dégradants aux détenus."
« L’État ne respecte pas les droits »
Dans ce contexte, la police fédérale mais aussi le ministre de la Justice semblent faire preuve d’un amateurisme et d’un entêtement qui entravent le bon déroulement du procès. On l’a appris ce dimanche, le SPF Justice a décidé d’aller en appel de la décision du juge des référés interdisant la fouille à nu systématique des accusés. Une décision pourtant largement motivée en faisant référence à la Convention européenne des droits humains.
Malgré cette décision de justice, on constate que l’État belge peine à s’y soumettre. Ce lundi, sur la Première, l’avocat de Mohamed Abrini, Stanislas Eskenazi, a estimé que "l’État ne respecte pas les droits qu’il est supposé garantir ?" Et d’ajouter: "Aujourd’hui, en Belgique, c’est foirage sur foirage. " "Foirage" pour le box des accusés où le tribunal a donné raison aux accusés ; "foirage" sur les conditions de transfert des détenus où le tribunal a également donné raison aux accusés.
Un huissier ce mardi à la prison
À quoi rime donc cet appel si ce n’est à nuire au procès ? Tant que ces fouilles restent systématiques, la plupart des accusés refuseront de comparaître au procès. Ce lundi Seuls trois des 6 accusés détenus ont suivi le procès. Les images de l’attentat du métro de Maelbeek ont été projetées: elles étaient insoutenables. Le jury, les victimes et une partie des accusés ont pu se rendre compte de la violence de l’attentat. Mais pas tous et c’est regrettable car cette confrontation à la réalité de l’attentat doit aussi être comprise par les principaux accusés de ce procès.
La défense a ainsi informé la Cour qu’un huissier serait envoyé ce mardi matin à la prison de Haren - où sont détenus les accusés – "pour constater ce qui est en train de s’y passer", a déclaré l’avocate Virginie Taelman.