Brésil: les émeutiers échouent à embarquer l’armée dans un putsch
L’assaut sur l’esplanade des trois pouvoirs à Brasilia a laissé craindre un début de putsch armé. Il n’en a rien été.
Publié le 09-01-2023 à 17h40 - Mis à jour le 09-01-2023 à 17h55
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Comme un miroir réfléchissant les événements au Capitole américain au début de l’année 2021, le Brésil a lui aussi connu dimanche soir son moment "putsch", après l’assaut donné par des milliers de partisans (environ 4000) de l’ancien président Jair Bolsonaro sur la place des Trois pouvoirs, à Brasilia, où se trouvent le Congrès, la Cour suprême et le Palais présidentiel. Comme les partisans de Trump, les émeutiers s’estiment lésés par le résultat d’un scrutin qu’ils jugent truqué, ainsi que Bolsonaro n’a cessé de le marteler pendant la campagne électorale.
Pas de victime
Contrairement aux événements similaires ayant eu lieu au États-Unis, aucune victime (du côté des policiers comme des émeutiers), n’est à déplorer. Les lieux ont finalement été évacués en fin d’après-midi et début de soirée dimanche. Quelque 300 arrestations ont eu lieu le jour même, et environ 1200 ce lundi. Mais les dégradations sont nombreuses (vitres cassées, mobilier détruit, etc.), et l’image est symboliquement désastreuse pour la démocratie brésilienne. Ainsi de cet émeutier brandissant, au milieu du chaos, ce qui semble être l’exemplaire original de la Constitution brésilienne. Ou de ces hommes affalés dans les fauteuils de la présidence du Sénat, rappelant l’irruption des partisans de Trump dans le temple de la démocratie américaine. Lundi, des heurts étaient également signalés dans d’autres villes, par exemple à São Paulo, où une autoroute très empruntée a été bloquée par des bolsonaristes.
État d’urgence
"Les Pouvoirs de la République, défenseurs de la démocratie et de la Charte constitutionnelle de 1988, rejettent les actes terroristes, le vandalisme, les criminels et les putschistes qui ont eu lieu hier après-midi à Brasilia", ont écrit lundi dans une déclaration commune le président Lula ainsi que les présidents du Sénat, de la Chambre des représentants et la présidente du Tribunal fédéral, la plus haute instance judiciaire du pays. "Nous sommes unis pour que des mesures institutionnelles soient prises, conformément à la loi brésilienne", précise le communiqué; "Nous appelons la société à maintenir la sérénité, en défense de la paix et de la démocratie dans notre patrie. Le pays a besoin de normalité, de respect et de travail pour le progrès et la justice sociale de la nation."
Pour l’heure, l’enquête vise à identifier en masse les émeutiers et à établir les responsabilités. Un ancien proche de Bolsonaro, Anderson Torres (son ancien ministre de la Justice), en charge de la sécurité du district au moment des faits, est particulièrement pointé du doigt pour avoir laissé s’envenimer la situation. Il a été démis de ses fonctions. À Brasilia, le campement où se retrouvaient les partisans de Jair Bolsonaro a été démantelé. Et l’on s’interroge sur d’éventuels financements ayant servi à faire venir autant d’émeutiers sur la place des Trois Pouvoirs. Les autorités ont déjà commencé à passer au peigne fin les réservations hôtelières récentes à Brasilia.
Bolsonaro relativise
Alors qu’il s’est envolé aux États-Unis peu avant la passation de pouvoir, Jair Bolsonaro a regretté, à sa façon, le comportement de ses troupes, comparant l’événement avec les révoltes populaire qui avaient secoué le pays en 2013 et 2017. "Les manifestations pacifiques, qui respectent la loi, font partie de la démocratie. Cependant, les dégradations et les invasions de bâtiments publics telles qu’elles se sont produites aujourd’hui (NDLR: dimanche) , ainsi que celles pratiquées par la gauche en 2013 et 2017, échappent à ce cadre", a admis l’ancien président, qui ne semble pas décidé à rentrer au Brésil. Et pour cause : avec la levée de son immunité début janvier, Bolsonaro risque de voir la justice s’emparer des dossiers qui ont terni son mandat, qu’il s’agisse de sa gestion désastreuse de la crise covid (plus de 650 000 morts) ou de ses affaires de famille (l’un de ses fils a notamment été sous le coup d’une inculpation pour blanchiment d’argent).
L’armée pour démanteler les camps bolsonaristes
L’ancien président a-t-il intérêt à laisser se dérouler un putsch en sa faveur pour tenter de revenir au pouvoir par ce moyen-là? Début janvier, certains de ses militants avaient pris à partie des militaires, réputés proches de l’ancien président, via les réseaux sociaux, pour renverser le résultat du scrutin. À Rio, des Bolsonaristes avaient, depuis des semaines, installé leur campement devant le commandement militaire de l’est du pays, espérant certainement créer les conditions d’un putsch militaire. Mais, pour l’heure les militaires n’ont pas prêté main-forte aux assaillants. Ni à Rio (où il a été demandé à l’armée de démanteler le camp " immédiatement), ni à Brasilia, ni ailleurs dans le pays.