Incapacité de moyenne ou longue durée: mode d’emploi
Quelles démarches faut-il effectuer auprès de sa mutuelle en cas d’incapacité au travail ? Qui peut demander un trajet de réintégration, un C4 médical ? On vous explique les procédures.
Publié le 05-01-2023 à 07h00
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Que se passe-t-il lorsque l’incapacité dépasse la période de salaire garanti (30 jours pour les employés, 7 jours pour les ouvriers) et que le travailleur bascule sur l’assurance-maladie ?
1Du côté des mutualités
La première démarche consiste à prévenir la mutuelle au plus tard le 28e jour pour les employés, le 14e jour pour les ouvriers, le 8e jour pour les indépendants.
Le médecin-conseil doit examiner le dossier médical deux mois après avoir été informé de l’incapacité.
Avant cela, un questionnaire, identique pour toutes les mutualités, est envoyé au travailleur à la 10e semaine d’incapacité. Il aidera le médecin-conseil à évaluer les possibilités de réintégration du travailleur en fonction de son état de santé. Ce questionnaire comporte une liste de 15 questions abordant la santé, la situation et les relations au travail. Il est demandé au travailleur d’estimer ses chances de retour au boulot. "S ur base de ce questionnaire mais aussi des prestations médicales et prescriptions médicamenteuses, le médecin-conseil évalue à partir du 4e mois les capacités restantes et catégorise l’incapacité de la personne", explique Philippe Marneth, directeur médical aux Mutualités Libres.
Catégorie 1 : le médecin-conseil présume que le travailleur sera en mesure de reprendre le travail spontanément au plus tard au 6e mois de l’incapacité.
Catégorie 2: la personne ne pourra plus jamais reprendre un travail rémunéré pour raison médicale.
Catégorie 3: priorité est donnée à la mise au point thérapeutique (pas encore de diagnostic) et au traitement.
Catégorie 4: la situation médicale permet d’envisager la reprise moyennant un travail adapté (temporairement ou définitivement) via le médecin du travail ou un autre travail moyennant une formation avec l’appui du coordinateur de retour au travail (voir nos éditions du 4 janvier).
2Quelle sanction pour le travailleur ?
Le travailleur qui ne répond pas au questionnaire ou ne se présente pas au second rendez-vous fixé par le médecin-conseil malgré les nombreux rappels qui lui seront adressés se verra imposer une retenue de 2,5% sur son indemnité d’incapacité.
3Du côté de la médecine du travail
Le médecin du travail est tenu de prendre contact avec le travailleur après 4 semaines d’incapacité pour l’informer des différentes possibilités pour faciliter son retour au travail (visite de pré-reprise, trajet de réintégration).
Le trajet de réintégration peut être initié par l’employeur dès 3 mois ininterrompus d’incapacité ou après une reprise du travail de moins de 14 jours (rechute). Par le travailleur dès le 1er jour d’incapacité ou via le médecin traitant avec l’accord du travailleur. Il se fait sur base volontaire du travailleur. Si ce dernier n’est pas d’accord avec les aménagements proposés, il doit motiver son refus. De son côté, l’employeur doit justifier de facon détaillée son refus de proposer un travail adapté.
4C4 médical : deux conditions
Depuis le 28 novembre dernier, le licenciement pour raison médicale est dissocié du trajet de réintégration. Il s’agit d’une rupture de contrat pour force majeure médicale quand le travailleur est déclaré définitivement inapte à effectuer le travail convenu par le médecin du travail et que sa réintégration chez son employeur actuel est impossible.
La procédure peut être initiée par l’employeur ou le travailleur. Deux conditions: le travailleur doit être en incapacité de travail depuis 9 mois de manière ininterrompue et il ne peut y avoir de trajet de réintégration en cours. Le C4 médical ne donne pas droit aux indemnités de préavis.
Des projets pilotes pour prévenir l’invalidité
Pour Catherine Vermeersch, premier conseiller au centre de compétence emploi et sécurité sociale de la FEB, il faudrait intervenir bien plus en amont pour éviter certaines pathologies telles que les burn-out ou les troubles musculosquelettiques. "Il y a encore beaucoup de choses à mettre en place pour éviter que des travailleurs tombent malades ou que ceux qui sont en début de maladie ne deviennent des malades chroniques. L’Inami a mis sur pied une série de projets pilotes. On pourrait également s’inspirer selon moi d’expériences qui ont été menées dans d’autres institutions."
Rééducation lombaire: 90% de retour au travail
Et de citer en exemple une des pathologies à l’origine d’un nombre important d’incapacités de longue durée, les problèmes de dos et musculosquelettiques.
En 2005, l’Agence fédérale des risques professionnels (Fedris) a mis en place un programme de rééducation lombaire. Celui-ci concerne les travailleurs en incapacité de travail depuis minimum 4 semaines et maximum 6 mois, à la suite de douleurs lombaires engendrées par un travail contraignant pour le dos. Ce programme prévoit 36 séances de rééducation lombaire ainsi que des mesures ergonomiques au niveau du poste de travail pour faciliter la reprise.
"Ce programme marche très bien, il mène à une reprise du travail dans 90% des cas, souligne Catherine Vermeersch. Cela fait des années que je demande que l’on mette en place un programme similaire au niveau de l’Inami pour les personnes qui souffrent du dos. Si on attend trop longtemps, leur état de santé s’aggrave alors que si on les prend en charge suffisamment tôt en leur faisant suivre ce programme, cela leur permet de revenir au travail plutôt et d’éviter de basculer en invalidité."
IPS: 1 200 parcours de réinsertion sous la loupe
La méthodologie IPS (pour Individual Placement and Support) a prouvé son efficacité dans plusieurs pays dont l’Angleterre et la Norvège concernant la réinsertion des personnes souffrant de troubles psychiques: 20 à 25% de retours à l’emploi en plus via l’approche IPS par rapport à la procédure de réinsertion au travail classique. Un des principes du modèle IPS consiste à accompagner ces personnes, quel que soit leur trouble mental, vers la recherche d’emploi le plus tôt possible et à continuer à leur offrir un accompagnement individualisé et soutenu après qu’elles aient trouvé un emploi.
L’Inami a lancé un vaste projet pilote IPS: 1 200 parcours de réinsertion professionnelle de personnes souffrant de troubles psychiques modérés à graves ont été étudiés sur une période de 5 ans, de 2017 à 2022. Parmi ceux-ci, 600 bénéficient d’un soutien par des accompagnateurs spécialisés IPS dont 200 en Wallonie et 600 autres parcours suivent le modèle de réinsertion professionnelle actuel passant par une étape de formation professionnelle avant d’envisager le retour au travail. L’étude sera évaluée en 2023.
Fedris a, pour sa part, lancé en 2019 un projet pilote dans le secteur des soins de santé, particulièrement fragilisé par la crise du Covid. Cette étude cible les personnes menacées ou atteintes à un stade précoce de burn-out. "L’idée est de tester une nouvelle approche au niveau d’un groupe de personnes bien défini et puis d’aller vers un élargissement si le programme est efficace", note Catherine Vermeersch.