Dans les quartiers Nord et Brabant, riverains et commerçants appellent au réinvestissement pour 2023
Entre le meurtre de Thomas Monjoie et l’occupation de près de 1000 personnes au Palais des droits, l’année 2022 a été mouvementée à l’est de la gare du Nord. Riverains et commerçants font le point.
Publié le 02-01-2023 à 08h34
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La pluie ne cesse de tomber, sur le quartier Brabant, dans la commune de Schaerbeek. Dans l’entre-deux fêtes, les magasins qui vendent un peu de tout n’ont pas l’air de vouloir lever le pied, les étalages sont bondés de gadgets ou de vêtements discount. Dans un vieux café du coin, on fume à l’intérieur pour esquiver la pluie, et on refait le monde. “Dans un an, l’Horeca, c’est fini, soupire Milena, la tenancière. Tous les prix ont augmenté, je dois payer 1200 euros par mois pour l’électricité.”
”Ce sont les propriétaires qui gagnent leur vie”
Les charges. Ici, tout le monde n’a que ça à la bouche, et les riverains ou travailleurs les plus fragilisés en premier. C’est notamment le cas des travailleuses du sexe du quartier Nord, à deux pas de là. “Après deux années de Covid, et l’inflation des prix après la crise ukrainienne, les propriétaires demandent toujours de payer le loyer, et maintenant ils demandent même de payer les charges pour toute la maison, pas rien que la carrée, ce sont les propriétaires qui gagnent leur vie”, raconte Marie Lespérance, co-fondatrice de l’ASBL Utsopi, un collectif de travailleuses et travailleurs du sexe en Belgique, autogéré et auto-organisé. La militante raconte aussi que la sécurité pour les travailleuses du sexe n’a pas vraiment grandi dans la zone, bien qu’elle salue la dépénalisation de leur métier, arrivée en mars 2022.
Retour au bar de Milena. Sezgin habite le quartier depuis 12 ans. “Le quartier a beaucoup changé. Avant, ce n’était pas dangereux. Aujourd’hui, il y a trop de drogues. Si t’es en famille, tu ne peux pas sortir avec ta femme après 21 heures. Je me suis fait casser trois fois la vitre de ma camionnette en deux semaines.” Il ne manque pas de souligner la pauvreté dans le quartier, et le travail d’intégration qui reste à faire. “Il faut intégrer les étrangers. Certains sont là depuis vingt ans, ils ne parlent pas français ou n’ont pas accès au travail. Il faut aller les chercher, leur donner des formations…”

Justement, l’arrivée massive de demandeurs d’asile au “Palais des Droits” à un jet de pierre de là a quelque peu bouleversé la vie du quartier. “A la sortie de 2021, j’avais perdu 30 % de chiffre d’affaires, raconte Luc, le pharmacien installé juste devant le Palais des Droits (qu’il aime appeler “Palais des devoirs”). Les 450 personnes de la Cocof sont parties en télétravail, elles ne viennent plus chez moi !” L’occupation qui s’est installée à l’arrivée des nuits froides a radicalement changé son commerce. “C’est impossible de gérer 1 000 personnes, j’ai un stock d’ordonnances énorme. Je ne demande pas mieux, mais ça m’a coûté mon inventaire.”

Thomas Monjoie, le policier tué mi-novembre dans le quartier, était client de Luc. Depuis ce tragique événement, Marie Lespérance, Milena et Sezgin appellent à “plus de bleu dans les rues”, un slogan également régulièrement utilisé par les forces de l’ordre. “On a vu une amélioration rue d’Aerschot”, raconte la militante d’Utopsi, ce que ne démentent pas les autres. La lutte contre les marchands de sommeil, les dealers et pour plus de sécurité est donc appelée des vœux par les usagers d’un quartier “qui était génial auparavant”.