« Les Fleurs du mal » - Yslaire rime avec Baudelaire
Le dessinateur bruxellois ne lâche plus le poète français, et propose une version illustrée et très personnelle de ses " Fleurs du mal ".
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- Publié le 09-12-2022 à 20h00
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Au printemps 2021, Bernard Yslaire ( Sambre) publiait, dans la prestigieuse collection Aire Libre de Dupuis, un album intitulé Mademoiselle Baudelaire. Un travail entamé durant le confinement, mais préparé longtemps en amont, dans lequel il évoquait l’amour scandaleux (pour l’époque) entre Charles Baudelaire et Jeanne Duval, sa maîtresse noire. Et pour lequel l’auteur bruxellois avait compilé une imposante bibliographie: "Tout, rappelle-t-il aujourd’hui, était sourcé. Je n’ai pas écrit une anecdote au sujet de laquelle je ne disposais pas d’au moins un témoignage. Et pour moi qui ai dessiné de la fiction pendant 40 ans, c’était un sacré défi."
Une forme d’apéro, aussi. Parce que Bernard Yslaire ne semble décidément pas près de lâcher Baudelaire, ce poète maudit "qui me berce depuis ma jeunesse ", et sort aujourd’hui, toujours chez Dupuis, un prolongement, à savoir une version illustrée par ses soins des Fleurs du mal, son célèbre recueil de poèmes de 1857. Illustrée ? Le dessinateur récuse lui-même ce vocable: "Je n’ai pas voulu illustrer ses textes, mais en proposer une vision. " Où l’on retrouve pêle-mêle, un peu comme les rimes d’un poème, les obsessions de Baudelaire: Jeanne Duval, bien sûr, mais aussi les serpents ou le diable.
Une vision de l’œuvre, sulfureuse et d’ailleurs censurée à sa sortie, mais aussi de l’homme. Car Yslaire en est convaincu: on ne peut vraiment comprendre Baudelaire qu’à travers ses Fleurs du mal: "C’est sans doute l’endroit où il était le plus sincère. Un album intime dans lequel il raconte sa vie, son évolution, ses états d’âme. En fait, c’est probablement… sa meilleure biographie."
Les « battles » de Charles
Un témoignage forcément provocateur, puisque les textes le sont aussi, tout comme ils sont d’une étonnante modernité, plus de 150 ans plus tard. "Au début, avec ses copains, de beuverie notamment, ils se parlaient en rimes, un peu comme les rappeurs se lancent, aujourd’hui, dans des battles. Il s’agissait alors de faire rire ou de choquer. Puis il a fini par dépasser le moment présent et par parler de lui, de la société ou de philosophie. C’est tout cela qu’on retrouve dans Les Fleurs du mal", déclare, admiratif, Bernard Yslaire.
Le Bruxellois n’a pas, pour autant, "cherché à sauver" le poète français, présenté ici dans toute sa complexité. Il espère surtout, par ailleurs, donner envie, à travers cette proposition, aux jeunes générations de relire Baudelaire: "Je me suis décidé à faire ce bouquin quand j’ai appris que Baudelaire était l’auteur préféré du… petit ami de ma fille, se marre-t-il. J’ai trouvé ça fascinant, et je me suis dit: c’est qu’il doit y avoir là quelque chose d’éternel, même à cette époque où des gamins de 8 ans vont consulter du porno sur internet. Et quelque part, c’est vrai que la poésie, que j’ai toujours préférée à la littérature, correspond assez bien au monde d’aujourd’hui: tu n’es pas obligé de tout lire d’un coup, tu peux picorer."
« Les Fleurs du mal », Baudelaire/Yslaire, Dupuis, 256 p., 35 €.