« Vénus à son miroir » : le voyage italien de Vélasquez
Le célèbre peintre espagnol n’a peint qu’un seul nu, en Italie et lors d’un voyage empreint de mystère, que Jean-Luc Cornette et Matteo nous font revivre à leur façon.
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- Publié le 08-12-2022 à 08h00
- Mis à jour le 08-12-2022 à 14h46
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Nous sommes en 1649. Diego Vélasquez, bientôt 50 ans, est le peintre espagnol le plus fameux de sa génération. Aussi est-il missionné par son roi, Philippe IV, pour s’en aller "chiner", en Italie, les œuvres d’art qui viendront garnir sa collection. Vélasquez, qui vivra encore une bonne dizaine d’années (il meurt en 1660), ne le sait pas encore, mais il peindra, à la faveur de ce déplacement, son seul "nu", intitulé Vénus à son miroir.
De quoi nourrir l’imagination de Jean-Luc Cornette. Près de quatre siècles plus tard, le scénariste bruxellois nous fait revivre ce voyage, après en avoir découvert l’histoire dans un livre acheté à Séville. Un voyage encore empreint de mystères, à commencer par l’identité de celle qui lui servit alors de modèle, et au sujet de qui courent plusieurs hypothèses: "Une des plus répandues, que j’ai reprise à mon compte, est qu’il s’agissait d’une peintre, la sœur d’Antonio Trivia (NDLR: un célèbre peintre et graveur vénitien de l’époque)."
Son modèle pourrait avoir été Flaminia Triva, la sœur d’un ami peintre, avec qui il aurait même eu un enfant
Flaminia Triva serait donc sa "Vénus" – la naissance d’un enfant quelques mois après son départ tend à accréditer la chose. Une femme de tempérament qui fera oublier un temps à Vélasquez le poids qu’aura exercé la religiosité exacerbée de la société espagnole sur son art. Et l’aura empêché, avant comme après, d’encore dévêtir ses modèles. "C’est sûr que ça a joué un rôle, reconnaît Jean-Luc Cornette, qui invente même une amitié entre le peintre et le pape de l’époque, Innocent X. Mais Vélasquez était fort occupé par ailleurs: il était le peintre de la cour, celui chargé des portraits du roi et des infantes. Et s’occupait par ailleurs de la chambre royale et de la collection d’art de son souverain. C’était, il faut le dire également, un homme frustré de n’être pas né noble, et qui fera tout pour le devenir (NDLR: il finira par être fait" hidalgo ")."
Autre surprise liée à ce voyage: Diego Vélasquez possédait un esclave. Un certain Juan de Pareja, qu’il finira par affranchir lorsqu’il manifestera des velléités artistiques qui cadraient mal avec sa condition: "À l’époque, rapporte enfin Jean-Luc Cornette, les esclaves, en fait des domestiques non rémunérés, ne pouvaient être employés à d’autres tâches que des activités physiques. Le domaine de l’art leur était interdit. Officiellement, il ne pouvait donc que tendre ses toiles ou préparer ses couleurs."
Cornette/Matteo, Futuropolis, 88 p., 11.99 €.